Les paroles glaciales d'Eira te figent un instant. T'as toujours ce doute, Robin, quand elle crache son venin. Elle rigole, hein? Tu as beau avoir vécu presque toute ta vie avec elle, tu n'es que rarement capable de discerner ses traits d'humour noir des vrais reproches qu'elle peut t'adresser. Alors tu restes là, stupéfait, les muscles du visages pétrifiés en une moue laissant transparaître ton incompréhension et le choc provoqué par la violence des mots de la Sureau. Et si tu peux comprendre qu'elle fasse le raccourcis de considérer Cyrus comme un idiot sans soucis - c'est après tout, l'image qu'il semble vouloir renvoyer, tu ne vois même pas à qui elle se réfère dans la seconde partie de sa phrase.

Son rire te libère donc à plus d'un égard. Et comme par habitude, tu suis son hilarité avec une certaine raideur, pas tout à fait certain d'avoir compris la finesse. Il devait y en avoir une, après tout, n'est-ce pas? Comme il devait y avoir un autre sens à son injonction presque sévère, de rejoindre tes camarades qui s'étaient mit à danser la Macarena un peu plus loin. Ce n'est pas le moment de plomber l'ambiance, Robin, mais te voilà déjà la tête pleine d'idées négatives. Tu détestes doutes des intentions de ta soeur. Tu détestes ne pas être ce grand frère aimant, qui puisse être à ses côtés et la croire en toute circonstance. Ne pas être ceux qu'avaient été Ambre, Naveen et Dalhia pour toi. Mais Eira, Eira, elle te mettait trop souvent mal à l'aise. Et bien que tu sois réluctant à le reconnaître, tu étais bien incapable de te lier à elle comme avec tes autres adelphes.

Pourquoi tu es venue, Eira?
Des mots que tu regrette dès l'instant où ils sortent de ta bouche, mais tu n'as pas le temps de tergiverser. Un morceau de papier s'arrête devant toi et t'arrache à tes pensées. Tu la coinces au plus vite entre ton pouce et ton indexe, ouvrant avec précaution la note vide, mais dont tu comprend vite l'intention avec la voix qui l'accompagne.

Ton visage s'éclaire tout à coup d'un sourire, comme pour souffler en vitesse la conversation précédente. Papier à l'appui, tu te tournes vers les deux demoiselles qui vous ont rejoint.

Note vide, vraiment? Laquelle de vous deux n'a même pas prit la peine de m'écrire un petit mot d'amour? Je suis outré.

Mais sans plus tarder, tu chiffonne le message et en range les restes dans ta poche arrière, tout en détaillant les tenues de Dalhia et Prudence. T'as vraiment l'impression de faire tache au milieux des trois étudiantes en rose bonbon, et ne peux t'empêcher d'en faire la remarque.

Dites donc, c'est moi où vous avez toutes fait un matching outfit sans m'en parler? Je veux participer, moi aussi!
Tu passes la main dans la poche frontale de ton hoodie, récitant brièvement l'incantation nécessaire pour changer la couleur de ta tenue pour t'assortir à ces dames. C'était peut-être pas le même style, mais tu manquais rarement l'occasion de mettre un peu de rosé dans ta tenue quand l'occasion s'y prêtait. Et c'était le moment idéal pour un fuschia qui pique les yeux.

Tu as du mal à t'empêcher de dévorer ta camarade de classe du regard, cela dit. C'est comme si tes iris revenaient machinalement à elle à chaque fois qu'elles s'éloignaient un peu trop longtemps sur les tenues des deux Cadwallader. Tu ne pensais pas qu'il serait si difficile de prétendre qu'il ne s'était rien passé, cet après-midi là, dans la forêt. Que tu te souviendrait machinalement  de la façon dont vous interagissiez jusqu'alors pour ne pas vendre la mèche. C'est pas comme si la base de votre relation ne se basait pas sur des répliques provocantes depuis quelques mois de toute façon, hein?

Par contre Prudence, je crois qu'on a oublié de te faire passer le mémo, mais c'est un concours de laideur ce soir. Désolé d'être aussi brutal, mais tu n'as aucune chance.