Boire aussi vite n’avait décidément pas été l’idée du siècle. Elle a la gorge qui gratte, qui chauffe, qui brule, qui ne demande qu’a s’ouvrir pour laisser échapper une horreur. Au lieu de cela, c’est un rot magistral qui fuit d’entre ses lèvres, qu’elle n’a pas le temps de dissimuler en plaçant sa main devant sa bouche. Si classe, si élégant, mais ça n’a guère d’importance. Son lit et ses draps comfy ne lui auront jamais autant manqué qu’à l’instant même. Elle pourrait partir, sans dire au revoir à personne, abandonner le navire comme Cyrus est parti mourir en forêt. Mais le poids de la tête de Tristan écrase ses idées de désertion, place au fond de sa main un de ces muffins que Tim ne rate jamais et dépose sur son front quelque chose qui n’a pas de mot et de prix. Toujours aussi merveilleux ce Tristan qu’elle se dit, toujours là pour repousser les ennuis. En quelques bouchées il ne reste plus rien de la sucrerie et déjà elle se sent plus requinquée.

Merci beaucoup.

Un peu plus loin, elle entend Elias jouer du saxophone, accompagné d’Anqiu et de son instrument si exotique. Peut-être pourrait-elle les rejoindre, mais n’est-elle pas bien, assise ici avec des bons amis ? Malheureusement Violette et Ambre ne sont pas d’humeur à la sympathie. Elle n’a pas l’envie, le temps, la patience, de gronder ces deux connards qui se plantent des couteaux à chaque occasion permise et qui n’ont même pas la décence de la fermer dans une situation pareille. Elle ne peut leur en vouloir… à vrai dire, si, elle pourrait, elle voudrait, mais ne le fait pas. Tout le monde est à bout de nerfs, fatigué, déprimé. Ça n’en vaut pas la peine d’hausser le ton et ce serait faire un pied de nez à Tristan. Non, définitivement non, elle ne se laisserait pas abattre par ses deux petits enfoirés.

Elle bondit sur ses pieds, presque enragée et disparaît du dortoir des Aconits. L’air frais extérieur lui fait l’effet d’une vague qui l’emporte au loin en pleine mer, c’est qu’on étouffait à l’agonie à l’intérieur. Une fois dans son dortoir, après avoir saluer Sophia et Senrhys qui avaient eu la bonne idée de rester sur place, un doute la prend. Son lit lui fait de l’œil. Elle pourrait s’asseoir, s’allonger, juste un peu, pour toute la nuit restante. Mais Tristan ? Ce serait irrespectueux que de lui laisser la gestion de la fête sur les épaules, lui qui n’était supposé être qu’un simple spectateur. Non, définitivement non, elle ne pourrait lui faire ça, même s’il ne lui en tiendrait aucunement rigueur. Elle se saisit de sa trompette, revient en courant et se dirige vers la scène, bien qu’un peu difficilement, à cause de la liqueur qui faisait déjà des siennes.

Eh, ça vous dit une collab’ sur Uptown Funk de Bruno Mars ?

Elle leur laisse le temps de se préparer et donne le tempo de la musique avant de commencer. Tout en jouant, elle reproduit de souvenir le jeu de jambes du clip et n’hésite pas à donner un coup de hanche à Anqiu pour l’inviter à faire de même. L’esprit troublé par l’alcool et toujours un peu paumée, Maxime réussit malgré tout à jouer avec ses deux comparses et, il faut l’avouer, divinement bien.