Cher Quartz,
Par où commencer ?
Premièrement, j’ai lu et relu ta lettre pour m’assurer qu’elle m’était bien destinée. Quelle surprise de recevoir une réponse à ce qui était supposé être et rester un torchon abandonné. Mais te voici, apparu de nulle part. En écrivant cette lettre, je t’ai encore lu. Je ne sais si cela est fait mécaniquement ou s’il s’agit d’un réel besoin, mais te lire est plaisant. À vrai dire, cela me fait du bien.
J’ai donc lu, encore et le spectacle d’un Hellébore en ruine m’est aussi venu. J’ai senti les cendres remplir mes poumons, senti ma peau se réchauffer sous la chaleur suffocante, senti la détresse dans l’air, senti la magie disparaître. Je suis restée spectatrice jusqu’au bout, à espérer que quelque chose renaisse de la mort. Mais il n’y a rien eu. Aucune résurrection, aucun espoir fleurissant sur les terres noircies et les cadavres carbonisés.
Tout comme toi, je ne sais ce que je serai sans Hellébore, je ne peux concevoir ma vie sans cette école. Nous tous, chaque élève de cette école, ne serions rien sans Hellébore. Penses-tu que beaucoup ont refusé de suivre Ambrose ? Qu’advient-il d’eux ? Ne souffrent-ils pas du mal moderne ? Sont-ils heureux ? Sommes-nous heureux ? Le suis-je ? L’es-tu ? Nous sommes tous deux fatigués, c’est la seule certitude.
Pour ce simple fait, arrêtons ensemble de courir, d’aller contre nous-mêmes et contre le monde. Reposons-nous, pour quelques minutes. Y a-t-il un lieu que tu apprécies particulièrement ? Qui te rend heureux ? Je t’invite à t’y rendre et d’y passer un certain temps. Si la compagnie d’une personne t’est agréable, propose-lui de t’accompagner. Si vous êtes majeurs, disparaissez une nuit entière s’il le faut et gambadez dans les rues de Dunleen.
Quant à moi, j’essayerai d’appliquer tes recommandations. Je ne peux te promettre, comme je ne promets rien à ceux que j’aime. Néanmoins, j’aimerais que tu me tiennes au courant de tes escapades insouciantes et si celles-ci te permettent de mieux te sentir. Peut-être que ton ressenti me fera envie et me poussera à aller de l’avant. Pour le moment, je suis bien trop terrifiée pour regarder le futur et bien trop bornée pour fixer le passé.
Ah ! j’oublie mes manières, mais il y a une chose que je tenais particulièrement à te dire. Ta plume est incroyablement charmante, fluide et je me demande si tu converses à l’oral de la même manière que tu le fais à l’écrit. Si c’est le cas, quel plaisir cela doit être de t’écouter parler, de se laisser bercer par tes mots. J’aimerais, juste une fois, que quelqu’un me conte une histoire dans un lieu chargée de sons et d’odeurs, l’étang des grenouilles par exemple, puis de m’envoler avec Morphée et ses étoiles.
Je ne sais rien de toi, mais te lire m’a été grandement bénéfique. Tous mes problèmes ne disparaîtront pas, mais tu as le mérite d’avoir réussi à alléger mon cœur.
Réciproquement, je te souhaite de bien te porter et de passer une semaine illuminée.
Nuage