TW : sexe, vulgarité.
Été 2019.
Je n'ai aucune originalité. Quand je le vois, quand je le retrouve, j'ai ce trou dans la poitrine, dans la tête, dans le coeur que je veux combler. Alors, ça finit forcément par ma bite dans son anus. Ou l'inverse, sans préférence. Je ne suis pas très créatif, que ce soit dans mes métaphores, ou dans mes projections. Tout ce que je sais, c'est que peu importe le semblant de solution que j'essaie de m'apporter, de nous apporter, ça continue à faire mal. Peu importe ce que j'essaie de faire. Et lui, il continue de me regarder cette innocence plastifiée qu'on lui a collé sur la gueule et qui me donne parfois l'impression de baiser un bébé.
C'est dégueulasse. C'est toujours frustrant. Ça n'a de satisfaisant que les sensations trop vives que je lui abandonne près de la prostate ou dans la gorge.
Mais parfois, parfois, comme aujourd'hui, il y a ces moments où si je ferme les yeux, je peux presque croire que je l'ai retrouvé. Qu'on a quatorze ans tous les deux, et qu'il sourit pour de vrai. Qu'il est mon frère, mon jumeau, mon meilleur ami, mon confident, mon âme sœur, et que je peux tout lui raconter. Parfois, comme aujourd'hui, je ne bois pas la potion anti-dragon. Et assis, sous l'ombre projetée jusqu'à dans ma chambre de l'hêtre qui pousse devant ma fenêtre, je laisse ses doigts glisser sur ma peau. Elle a de la texture, elle est crevassée en ces reliefs reptiliens, et la tête posée contre son épaule, nous sommes tous les deux adossés à la porte de ma chambre.
Je leur ai dit que j'avais trop mal, -trop mal, trop mal, non nonononon-, que je les emmerdais tous, et on n'est pas venus me chercher pour le repas.
Hisashi, doucement, respire contre mes cornes, et les récepteurs trop tendres qui couvrent mes bois frissonnent sous la puissance fragile d'une respiration que je veux enfermer dans ma bouche. Il somnole, presque, ou je le crois, et il a cette attitude dangereusement naturelle de ressembler à un homme. J'ai arraché sa chemise, il a imité mes mouvements, et j'ai baisé sa peau comme on loue une idole. Sur son ventre, sur ses hanches, mes canines ont laissées ces prières trop exhaustives, trop profondément insistantes, et il n'a jamais, à aucun moment, demandé à ce que je relâche la pression de ma mâchoire déformée. Je veux croire qu'il n'aime pas ça, qu'il me laisse faire simplement pour me faire plaisir. La réalité, c'est qu'il n'a pas d'opinion là dessus, et ses doigts, contre mon aine nue, viennent glisser un peu plus bas.
« Hisashi... »
Je murmure, les joues étirées, déformées en ces méplats que le cartilage déchire près de ma maxillaire. Je murmure, les paupières abaissées, la membrane nictitante roulant contre mon orbite. Je murmure, et il arrête son mouvement, dans la cessation d'une initiative que je ne lui connais pas. C'est peut-être par habitude, c'est peut-être par réflexe, mais sur le coup, rien que pendant un moment absurde, je décide de croire que cela s'appelle l'autonomie, qu'il a tenté quelque chose par lui-même. C'est peu probable, peu probable, et la douleur est cet ennemi à un espoir que je ne couve pas assez. Ça le dévore, ça le mange comme on gobe un œuf et je relève les yeux, pour le regarder.
Il me regarde, sans me voir.
« I hate you. I hate you, so, so so so much. »
Il sourit doucement, comme à chaque fois, et mes syllabes s'étranglent dans ma gorge, au dessus de ces cordes vocales abîmées, égratignées par la transformation, par la modification que j'ai choisi de subir. Il sourit et je fais de même, parce que j'ai trop mal pour me battre contre lui. Il sourit et je pose mes ongles contre sa gorge, rien que pour voir ce que ça fait, si j'avais l'idée de lui enfoncer mes serres dans la jugulaire. Il ne bouge pas, ne frémit même pas, et je m'imagine achever mon mouvement, poursuivre en ce que je saurais transformer rapidement en de la furie. Je le dépécerai, je lui enfoncerai la gueule dans la gorge, et il ne ferait aucun bruit, il ne ferait aucun bruit, tandis que j'aurais, moi, cette possibilité d'explorer les puissances de ces capacités que je ne fuis que trop. Ça se casse, doucement, dans ma tête, et dans ma gorge, et je murmure, je murmure, parce que je ne peux rien faire de plus.
« And I hate myself even more. Do you remember that, love ? When I told you that ? Do you remember how much it hurts ? Do you remember when I was crying and you were there, you were there, because you wanted to dry the pain ? You wanted to be … »
Je ne me rappelle même plus exactement quand est-ce que ça a commencé. Mes idées se perdent, je saisis les doigts de Hisashi, les arrondit, et je le fais glisser, en ce mouvement lent, sur moi. De haut en bas, de haut en bas, avec mon gland déjà gonflé. Il sait exactement comment faire, il a l'habitude au creux des mains, et j'ai la tête qui va exploser. Parce que les cornes sont complètement sorties, maintenant. Ça fait une heure que la transformation a reprise, et j'ai atteint le stade quasi final d'une exhibitation hybride, épouvantable.
La queue, la queue est l'élément final.
Alors je laisse Hisashi me branler, tandis que mes vertèbres lombaires s'allongent et que le sacrum s'étirent. Je suis habitué. Je suis habitué, depuis plus de dix ans, et ça ne m'empêche pas de feuler, lorsque le premier os crève la peau. Je suis habitué, mais la douleur explose et Hisashi saisit mon épaule quand je tombe sur le côté. Il m'attrape, ne m'a pas lâché, et j'ai ce sourire de fureur, de victoire, de branleur abruti, et il me fait me tordre, il me fait gémir, pour tromper mon cerveau.
Look at me forever, please, please, please-
Ça commence à pousser.
Le bassin se déforme, mes dents s'enfoncent -trop fort- dans son épaule, et il murmure mon nom, il murmure mon nom, sur cette habituation qu'il a à répéter les gestes, à produire les mêmes patterns de consolation. Et je feule, je babille, mes 20°C ont fait trembler mon corps contre la chaleur du sien, et lui, il vient, du rebord de la main, appuyer contre mon ventre. Maintenu en équilibre, avec les jambes relevées par dessus ses cuisses, il me retient, il me retient, et l'on entend frapper contre ma porte un parent bien attentionné, un peu inquiet. Je crache, je crache, Hisashi est bouillant.
« Go fucking fuck yourself. Go eat some shit, you shithead, you blatant shitty - »
Le coccyx est repoussé, et j'ai le crâne qui part en arrière. Hisashi me murmure que ça va aller, que tout ira bien, et j'ai dans son dos mes ongles enfoncés, beaucoup trop fort, beaucoup trop profondément ; je veux lui faire mal. J'ai mal, et je veux qu'il ressente la même chose, je veux qu'il ressente quelque chose, je veux le faire exister comme je me sens vivant, et la douleur, seigneur, est ce bain de désolation dans lequel je vautre mes croyances. Les chairs, les nerfs, les tendons et les muscles se dressent, s'hérissent en cet alliage qui vient gainer les os en train de pousser, et ça bat vers la gauche, ça bat vers la droite, en ce mouvement réflexe, moteur, d'une élasticité qui se recherche, d'un équilibre furieux qui se fouille. Je pleure, je crois que je me suis mis à pleurer, pour de vrai, maintenant, et Hisashi me sert fort, la personne derrière la porte s'en est allé. Groaarr, groaarr, je veux murmurer, mais ça ne sort pas de mes lèvres, ça ne se débloque pas hors de ma gorge, et muet, étranglé, je laisse Hisashi me bercer. Le système digestif est presque terminé dans son adaptation et les viscères ont adoptées la position finale d'un étirement vers l'arrière qui vient modifier le mouvement de mes sphincters. Ça me fait saigner de l'anus, ça me fait respirer la douleur de mes organes déplacés. Et c'est presque terminé. C'est presque complètement instauré. C'est bleu, c'est gris, et ça s'étire sur le tapis, en laissant un peu de sang par terre, jusqu'à ce que ce soit achevé.
« -ill me. Fuck. Fuck. Kill me, kill me, kill me, kill me... »
Il me berce, il me berce en embrassant mes cheveux, en tamponnant avec le revers de son poignet le sang que ça me laisse entre les cuisses, et je ne suis plus dur, je ne suis plus excité, j'ai juste mal, je suis un poulet qu'on écorche, qu'on fait geler. Il ne veut pas, jamais, me tuer, et je ne sais pas, je ne sais plus exactement pourquoi je n'ai pas pris la drogue, pourquoi je n'ai pas ingéré la potion. Ça avait à voir avec le fait d'exister, c'était en lien avec le fait de ressentir quelque chose, et les poumons complètement ouvert, les veines extatiques, et le souffle ralenti, je sanglote son prénom, les crocs tâchés, et je répète que je suis un idiot.
« Annabeth. »
C'est comme un éclair sous l'eau. Ça me fait me taire, ça me fait me figer, et rien qu'un instant, la douleur n'existe presque pas, presque plus : je vois jute ses yeux. Il sourit.
« You're the pride of your family, Annabeth. Always remember that. You're a dragon-blood, and it makes you, so, so special. It makes you one of us. We, your family, love you. We love you. »
Je le gifle. Je le gifle, avec ma main, avec mes griffes, et ça lui ouvre la peau, ça manque de lui faire exploser l'oeil. Mais je m'en fiche, je m'en fiche, je veux faire taire ce discours qu'ils ont implanté dans sa cervelle, et il tombe contre le sol, et je continue. Encore et encore, et encore, avec ma main qui claque, et sa mâchoire qui heurte le tapis, et je le frappe, et je le frappe, et je le frappe. Jusqu'à ce qu'il arrête de sourire, jusqu'à ce qu'il ne bouge plus, silencieux, immobile, avec ses yeux qui regardent vers la droite. Et là, agenouillé au dessus de lui, je la regarde, ma poupée cassée, et je ne sais plus ce qui me fait le plus mal. Ma queue, elle bat comme celle d'un chat furieux, en ondulant, aqueuse, près de ses cheville. Hisoshi cille, et je ne sais plus quoi dire. Le silence, entre nous, a le poids de la culpabilité, le poids de la rancoeur, et je le laisse, je le laisse me regarder, avec ses yeux qui ne veulent plus rien dire. Je sais, après tout, qu'il est programmé pour être exactement ce dont j'ai besoin. Et dans ma famille, ce ne sont pas des émotions dont on a besoin. C'est de perpertrer la tradition. D'entretenir la richesse du sang. Je le sais, et Hisashi le sait.
« -Love you. »
Ça sort de sa bouche, comme l'écho d'un vinyle rayé. Mais ça froisse mon coeur, et en me repoussant, tout doucement, il se redresse. Silencieux, sans rien ajouter, sans rien prolonger, il se redresse et s'écarte, pour aller récupérer mes vêtement.
Je crois que j'ai arrêté, le temps d'un instant, de respirer.