Joviale ★ Hecate est un éclat de rire, tendre et éthéré, qui s’envole et s’infuse comme l’encens.

Affirmée ★ Bien que douce au premier abord, Hecate n’a pas peur de dire non et de tenir son bout de la baguette magique. En étant féminine et jeune dans la profession, certains élèves pourraient penser, à tort, qu’elle serait facile à amadouer pour les retards, les sorties et devoirs non faits ; ils réalisent néanmoins assez vite qu’il est difficile de se jouer d’une personne capable de lire leurs esprits comme des livres ouverts.

Lunatique ★ Les émotions des autres, le passé et les futurs possibles qui s’emmêlent sont des intempéries qui peuvent parfois transformer la réalité en territoires difficiles à naviguer pour elle.

Têtue ★ Par ailleurs, on lui a souvent conseillé de se faire tatouer afin de calmer ses migraines, améliorer sa concentration et limiter ses épisodes lunatiques, ce qu’elle refuse de faire afin de garder un lien plus direct avec le monde du rêve et des possibilités. Notons qu’il lui arrive néanmoins de porter des marquages temporaires quand les effets secondaires de son troisième œil deviennent trop difficiles à gérer.

Ambitieuse ★ Son but dans la vie est quand même de développer sa propre discipline magique et de l’enseigner aux générations à venir dans un effort de redonner un peu de sa splendeur à la magie... Elle met peut-être, d’ailleurs, beaucoup de pression sur les étudiants qui démontrent des affinités avec la magie onirique.

Incurable romantique ★ Avoir des visions de futurs possibles avec toutes les personnes de son entourage ne l’aide pas à rester objective dans ses affections. Notons que ce fait peut toutefois aller dans les deux sens et qu’elle peut, inversement, ressentir malaises et mépris sans que ça semble justifié.

Impartiale ★ Malgré tout ce qu’elle peut ressentir d’intrusif, elle tente d’être magnanime dans ses opinions des autres. Avec les jeunes personnes en particulier, elle aspire à être un modèle pouvant les guider dans la bonne direction. En ce sens, elle s’attache et s’implique peut-être un peu trop avec ceux dont le futur est trouble.  

Indiscrète ★ Il lui arrive parfois de confondre ce qui est partagé volontairement avec elle et ce qu’elle devine à cause de son don. Ce faisant, il lui arrive de poser des questions ou de faire des commentaires – généralement tout à fait innocents et exempts de jugement – sur ces secrets gardés, causant ainsi malaises et inconforts chez ses interlocuteurs.  

Les Avranas forment cette grande famille chez qui la magie coule dans les veines et ils attendent l’arrivée d’Ambrose comme d’autres attendent les saisons et les festivités. Ils ont vu partir à Hellebore plusieurs enfants, mais Hecate est la première qui, jusqu’ici, a opté d’y rester pour de bon en devenant professeur dès la fin de ses études.  

Sa grand-mère maternelle – devenue prématurément sénile à cause du don qui lui faisait souvent confondre des réalités et d’autres – aurait passé des heures à parler avec elle tandis qu’elle était encore dans le ventre de sa mère ; elle avait bien dit à sa belle-fille qu’Hecate serait la première, parmi tous ses petits-enfants à hériter de son troisième œil. La jeune maman, un peu septique, un peu inquiète et un peu moqueuse à la fois, aura laissé la vieille dame tenir des discours décousus à son fœtus, n’osant pas la priver de ces rares moments de volubilité alerte, en contraste au reste des ces jours qu’elle aura passés dans un brouillard de confusion et de mutisme. La bonne femme sera décédée une semaine à peine avant sa naissance et Hecate, enfant, s’est souvent fait raconter ces bribes qui sont venues à prendre tout leur sens seulement bien plus tard, quand son don aura commencé à se manifester et qu’elle aura enfin pu tenir l’autre moitié du dialogue tandis que mémoires et visions se sont mélangées en des retrouvailles transcendant le temps et l’espace.

Somme toute, son enfance a été ce bassin paisible, clair et limpide dans lequel le troisième œil est venu s’infuser en volutes embrouillées, colorées et diaphanes, enchevêtrées comme des effusions d’encre dans de l’eau. Sa mamie a été, heureusement, une guide à travers cette brume et elle continue, encore aujourd’hui, à lui apparaître en de très rares, mais importantes occasions. Le reste du temps, c’est son familier qui semble veiller sur elle en gardant une distance pudique, mais en semblant toujours savoir quand chanter ou battre des ailes pour ponctuer ses prémonitions et ses rêves.      

Troisième œil mis à part, le reste de sa vie se raconte simplement comme un tressage de moments heureux et d’autres qui le sont un peu moins : elle a des frères et des sœurs, des parents vieillissants et tous les petits aléas qui viennent avec ces réalités familiales ; elle a connu l’amour et la solitude, les déceptions et les réussites, l’homéostasie et les déséquilibres, la confusion et la détermination. Pour l’instant, elle a 27 ans, sa carrière commence bien et son travail lui plait, ses recherches progressent lentement, mais surement, tandis que sa vie sociale en est à ce point étrange où les vieux amis disparaissent et où les nouvelles rencontres – hormis ses étudiants – se font peut-être plus rares qu’elle le voudrait.

Parfois elle voudrait plus, souvent elle s’en contente, avec toujours ces échos qui viennent colorer ses journées d’autant de songes et de murmures.

Dans la bouche, la tristesse se faufile et Hecate déglutit difficilement tandis que l’impression coule dans sa gorge qui se noue, puis s’installe douloureusement à base son crâne.

Elle était en train de dire quelque chose et il y a maintenant toutes ces paires d’yeux – y compris ceux qui s’étaient égarés autre part au courant de sa leçon – qui la fixent avec curiosité tandis qu’elle bégaie comme un poisson hors de l’eau. Les excuses qu’elle articule enfin sont vagues tandis que son esprit se couche à la merci d’une migraine terrible, à la mesure du sentiment étranger et débilitant qui cogne contre ses tempes comme un cœur qui se brise.

- Vous pouvez commencer votre devoir, murmure-t-elle enfin, avant de reprendre après un feulement douloureux, nous continuerons la leçon au prochain cours.  

Ses doigts s’attardent sur les tables basses pendant le retour vers son bureau, mais finalement elle se retourne vers une oreille perdue dans une cascade de cheveux bouclés.

-Tu peux venir m’en parler pendant la pause, si tu en ressens le besoin, souffle-t-elle tout bas avant de reprendre son itinéraire.  


Il y a de l’affolement qui se dessine sur le joli visage de la blonde tandis qu’elle s’approche de sa professeure de divination, mais la fébrilité qui s’impose sur la langue d’Hecate et qui laisse un arrière-gout de mensonge n’a rien à voir avec la demande qu’elle s’apprête à lui faire.  

- Madaaaame, est-ce que je peux allez à la salle de bain s’il vous plait, c’est pour… L’hésitation qu’elle laisse planer dans son silence se veut inconfortable, avant d’ajouter dans un murmure pudique, ce moment du mois.

Le sourire d’Hecate se fait tendre, maternel, et la courbe de ses yeux s’accentue tandis qu’elle pose un regard patient sur l’adolescente qui se dandine inconfortablement devant elle.

-Non, dit-elle tendrement après un hochement de tête qui aurait laissé présager la réponse inverse.  

-Mais madame! proteste-t-elle, les lèvres arrondies de surprise tandis que celles d’Hecate s’étirent en coins et que son regard, par-dessous ses épais cils bruns, cherche le sien.

- Ma chérie, reprend-elle, sa voix bienveillante s’infusant doucement dans les eaux troubles de son indignation, non sans un petit pétillement au terme d’une moue légèrement moqueuse, nous savons toutes les deux que tu n’as pas besoin d’aller à la salle de bain.

La petite semble vouloir insister, mais elle la toise fixement jusqu’à ce que se détourne finalement ses yeux, soupire et retourne s’assoir sous ses paupières papillonnantes.


Entre les tasses de thé, les yeux bleus des deux sœurs se courbent et reflétèrent les pétillements de doux éclats de rire. Puis, quand il n’y a plus rien à dire, enfin, un silence s’installe.

- Et puis… Comment s’est déroulée ta sortie avec Surya? Glousse Hecate sur un ton de connivence.

L’expression d’Hestia, soudain, se décompose et sa grande sœur sourcille.

-  Si mal que ça? Moque-t-elle gentiment.
- Écoute je… Ne t’en ai jamais parlé et…

Aussitôt, le feulement entre les lèvres d’Hecate est contrit et elle se confond dans des gestes qui se veulent rassurants et respectueux des limites de sa petite sœur.

- Et je ne me sens pas prête à …
- Hestia, je m’excuse, je n’avais pas réalisé.
- Je t’en parlerai…bientôt, promis.
- Oh, ne t’en fais pas, va, reprend-elle en balayant l’idée de la main, pas besoin.

Hestia lève les yeux au ciel, dépitée, résignée, parce qu’elle vient de réaliser que la question n’était qu’une formalité et qu’Hecate savait déjà tout.

- Je t’aime? Tente doucement sa grande sœur, en reservant le thé, avec un sourire un peu grimaçant qui voudrait dissiper le malaise.