Leçon envenimée • avec Cameron

You look like an angel
but i got wise :
you're the devil in disguise

Sur les coups de onze heures, de fines bulles de savon vinrent chatouiller le visage bouffi de Jemma. Un grognement fût dirigé à l’encontre de la colocataire – absente, car déjà en cours, elle – qui avait gentiment programmé ce sort pour la réveiller. Avec mauvaise volonté, elle gratta les dernières miettes de sommeil au coin de ses yeux, et les paillettes collées sur son menton, tout en tâtonnant à la recherche de la réponse que Cameron lui avait envoyée la veille. Trop occupée à s’amuser après le couvre-feu, l’adolescente n’avait pas encore eu le temps de lire le mot qui était venu se glisser dans sa poche, et se délecta de constater qu’il avait cédé à son caprice sur l’horaire de leur rendez-vous. Satisfaite, elle commença sa journée du bon pied en se rendormant pour une petite demi-heure.

C’est donc après une (courte) après-midi de cours qu’elle se rendit d’un pas élégamment travaillé – et volontairement sonore, de façon à ce que les têtes se tournent sur son passage – jusqu’à la salle à manger où Tim servait justement le goûter.

En retard, Jemma n’arriva qu’à seize heures vingt à l’entrevue qu’elle avait demandée, après s’être laissée désirer. La blonde ne pensait pas se tromper sur « l’endroit habituel » auquel Cameron avait fait référence dans leurs échanges : ce n’était pas le lieu de leur première rencontre, mais il était récemment devenu une habitude de se retrouver au moulin, car sa situation à l’arrière du domaine ravissait la cancre en dépit du manque d’entretien. Elle évitait ainsi d’être vue en plein soutien scolaire, et appréciait le bruit de la roue encore en activité qui brassait l’eau à intervalles réguliers et rassurants. Le silence de la bibliothèque tuait généralement toute once de motivation chez elle, alors que son esprit peinait déjà bien assez comme ça. En plus, le lieu était suffisamment à l’écart pour que, s’ils étaient surpris, elle puisse prétendre qu’elle y avait emmené son tuteur pour conclure. Ce n’était pas comme si l’idée ne lui ai jamais traversé l’esprit, d’ailleurs.

C’est d’ailleurs pour prévenir cette éventualité qu’elle demeura un instant sur le pas de la porte, prenant le temps de remettre les chaussures qu’elle avait retirées pour traverser tranquillement la pelouse, de checker son maquillage dans un petit miroir de poche, et d’arranger ses cheveux et son chemisier. Enfin, lorsqu’elle fût sûre d’être à la hauteur de sa réputation, elle sortit les quelques pâtisseries promises de son sac et prit une grande respiration.

« Tadaaaaaa ! »
s’exclama-t-elle en ouvrant tout sourire la porte un peu mitée, bien décidée à faire une entrée spectaculaire.

Guillerette, elle entra dans la pièce en laissant derrière elle l’empreinte de ses talons dans la poussière, impatiente de le gratifier de la seconde offrande prévue : un sachet de thé noir orange et curcuma qu’elle s’était fortuitement approprié depuis le sac d’un camarade. Personne n’aurait été étonné d’apprendre qu’elle avait déjà presque oublié la raison de sa venue.

You look like an angel
but i got wise :
you're the devil in disguise

Le sourire chiffonné de Cameron l’accueillit et Jemma constata avec satisfaction que l’endroit était plus cosy qu’elle ne l’aurait espéré. Les fibres du balai avaient dessiné des stries sur le sol, preuve que son professeur avait profité de l’attente dont elle l’avait gratifié pour faire un ménage rapide. Le jeune homme s’était par ailleurs senti assez à l’aise pour s’assoupir, comme en témoignaient ses boucles blondes décolorées encore un peu en bataille. Elle resta un moment suspendue au spectacle de son réveil, et ses joues rosirent légèrement sous des yeux avisant la tenue dont il s’était affublé ce jour-là – Jemma admirait énormément le sens du style qui habitait son professeur, et s’en inspirerait sûrement pour le prochain #OutfitOfTheDay qu’elle posterait sur Instagram.

Elle s’apprêtait à lui faire remarquer « qu’il était sacrément beau, quand même, y’avait pas idée d’être beau comme ça », à la fois sincère et enjôleuse, lorsqu’il réclama de lui-même le cadeau qui lui était dû.

Dans une moue joueuse, elle laissa donc choir son sac de cours près de lui, faisant trembler le vieux parquet et provoquant d'anxieux sifflements dans les trous où s’étaient réfugiés les compagnons de Cameron lorsqu’elle avait brusquement fait entrer la lumière. Heureusement pour Jemma, qui n’appréciait les reptiles qu’à bonne distance – familier vipère de sa rivale oblige – elle n’entendit quasiment rien car elle faisait au même moment claquer la porte d’un coup de talon-haut derrière elle.

Comme elle avait les mains prises par les autres victuailles (dont il n’avait visiblement que faire), elle tenta discrètement de réaliser un sortilège de télékinésie du bout du doigt, mais la fermeture éclair du sac Longchamp ne s’agita que très faiblement avant qu’elle n’abandonne, le doigt vaguement luisant.

« C’est là-dedans, sers-toi. »
indiqua-t-elle finalement, un peu honteuse, en pointant son menton vers l’objet. Puis, tandis que la blonde rejoignait la couverture, elle commenta :
« En tous cas ça fait plaisir de constater tes priorités. »

Elle prit un air faussement vexé avant de s’accroupir prudemment pour poser la nourriture, faisant attention à ce que sa jupe de cours ne dévoile pas trop de son anatomie. Jemma finit par se placer à genoux face à lui, battant des cils après avoir avidement mordu dans un chausson aux pommes.

« Et moi, alors ? Pas de cadeau pour Gem ? »
s’offusqua-t-elle dramatiquement, la main sur le cœur.

J’suis partie du principe que les serpents étaient partis vu le bordel qu’elle a fait, mais je les ai quand même gardés dans le coin tmtc j’espère que c’est tout bon pour toi chouchou