Balthazar préfère qu'on l'appelle Lion. Il n'y a pourtant rien de semblable entre l'animal et lui. Lion possède pourtant le rire atypique résonant dans les salles ou le plafond est trop haut, rugissement d'adoration. Lion n'a rien à cacher et c'est que ça serait difficile de le faire. Lion est honnête dans ses sentiments et dans sa façon de parler, il n'y a pas grande agilité dans les mots et les tournures de phrases butent souvent sur le rebord de ses lèvres. Il n'est pas grand oratoire et c'est certainement car il ne sait pas bien penser. Lion n'a pas les idées embrumées, le soleil toujours présent, mais il n'a jamais prétendu être des plus intelligents. Lion s'amuse de situations simples, pris dans son imagination et dans tous signes de magie entourant. Lion est encore princesse dans son château, soldat en peluche et prince imaginé.
Lion aime noter les bouts de phrases qui se bousculent dans ses rêves et transformer le tout en chanson. Oui, Lion aime fredonner des airs étrangers, voix au plus haut, la bouche ouverte en grand.
Lion n'a pas l'espace suffisant pour garder les problèmes dans son cœur trop longtemps. Aussi, les humeurs de Lion s'apaisent avec facilité. Il est toutefois bel et bien victime de colère, yeux piégés de larmes et Lion parti chercher les mots qui conviendraient à une telle injure – même si c'est difficile de chercher dans tout ce vocabulaire existant.
Lion n'a pas les plus grandes notes à l'école, il participe, il sourit, on accepte le fait qu'il oublie l'existence de ses devoirs. Lion n'a pas de grande prétention et il préfère vouloir bien vivre. Lion vit dans le présent même s'il est capable de rancune. Il est aimant, plus facile pour lui de considérer des connaissances comme des amis que l'inverse, plus facile pour lui de tendre la main avec son cœur dedans que de vivre sans amour. Les relations sont simples ou trop compliquées. Lion est fasciné par tous les symboles du monde, les jolies choses et les jolis mots. Lion est fasciné par les notes qui s'envolent et les sentiments qui montent dans la carcasse lorsqu'une œuvre nous prend aux tripes. Lion aime les mystères glissant dans le vent, Lion aime la magie et aspire à être de la même douceur que les choses qu'on ne peut expliquer.

Il est chanceux mais n'a que de mauvaises idées + il s'agite beaucoup dans son sommeil + il est plus facile pour lui de partir dans ses pensées que de se concentrer + il est assez bon lorsqu'il s'agit de décrypter les émotions des personnes lui faisant face + écoute ce qui se dit dans un groupe de plusieurs personnes, parle pour quatre quand il est seul avec une personne + il peut être timide avec certaines personnes qui répondent à des critères particuliers + impossible de se rappeler le nom d'un bouquin, mais peut décrire la couverture comme s'il l'avait devant lui + il est facile pour lui d'apprendre plusieurs langues + fashion terrorist + se laisse facilement entrainer dans de divers magouilles + Brie est sa vie + il sait jouer de la guitare et du piano

Il a grandi l'herbe à la taille, les mains dans la boue pour percevoir les mystères d'en dessous. Balthazar qui répond à présent au prénom de Lion a passé tous ses étés auprès de sa grand-mère. C'est sans doute entre ses bras qu'il apprit les différents types d'arbres, le nom des légendes évaporées face aux monstres de fer, quelques airs de chansons nostalgiques à présent. Si sa grand-mère n'a jamais été nommée sorcière, sans doute Lion l'appellerait tout de même ainsi, la nature au centre de sa vie. Et c'est dans le verger surplombant les falaises qu'il a apprit ses premiers mots, ses premières notes. C'est les genoux à terre et les ongles remplis de gadoue qu'il décida que Lion serait prioritaire à Balthazar. Après tout, voici le dernier souvenir laissé par un être aimé.

Balthazar est fils de cultures séparées par l'océan et la mer. Sa mère est française, son père ramène l'amante lors d'un voyage. On nomme l'enfant deux fois de suite, béni par sa mère, Balthazar, béni par ta grand-mère, Lion. Encore, baisés déposés sur son front, il n'a jamais manqué de rien, non.

On parle plusieurs langues lorsqu'il dévale entre les jambes des adultes. Sa mère refuse de lui parler autrement que de sa propre langue, sa grand-mère n'a jamais appris autres mots que ceux prononcés dans un vieil irlandais et son père y préférait encore l'anglais. Petit, Balthazar construit des phrases dans un mélange sans queue ni tête, dans sa propre langue façonnée de plusieurs héritages et d'émotions mises sur la table du mieux qu'il peut.

Lorsqu'il ne court pas sur l'herbe fraiche, Lion appartient à la ville. C'est qu'il y grandit sans doute sans problème : Lion est des plus normaux, Lyon sourit doucement et sait encore s'évaporer quand il le faut. Lyon supporte pourtant mal le petit appartement qui fait ce qu'il appelle "maison". Lion est en cage.

Et c'est qu'encore il n'a pas vraiment le temps de grandir ni d'avoir de grands drames pour faire sa vie – Lion sèche vite ses larmes d'enfants. C'est le dernier été laissant le soleil passer sur ses joues qui scella le tout. Lion a toujours cru en la magie des choses, les petites promesses faites les doigts serrés et les je t'aime déposés sur ses joues en sont la preuve après tout. Pourtant, n'avait-il sans doute jamais pensé un jour y être mêlé. C'est qu'encore Lion admire de loin, les yeux rivés sur un décor respirant sans son aide, alors pourquoi lui ?
Et c'est que oui, c'est difficile de mettre les mots sur les souvenirs devenus nostalgie. C'est qu'il ne se souvient pas non plus des mots échangés – ça vole au vent, ça s'efface si vite et on n'a pas le temps de graver l'exactitude des choses. Alors, c'est dans sa mémoire brouillée que Lion se souvient de son Ambrose à lui, celui venu pour lui un instant avant de devenir celui de quelqu'un d'autre.

Lion n'a jamais douté pourtant de la magie des chansons apprises. Lion n'a jamais douté, non, qu'il y avait plus que ce qu'on pouvant en dire. Et il accepta, surement – mais quels étaient les mots ?

Balthazar, treize ans, fut accueilli à Hellébore. Catalyseur au fond de la gorge et tout à apprendre, la mélodie à découvrir et les paroles à chercher, de quoi écrire de nouveaux airs en souvenir de tous les étés. Lion depuis quatre ans se rappelle encore des choses contées par Ambrose comme chuchotées ici et là entre deux pensées.

Lion, depuis quatre ans, se demande encore comme transmettre le beau transperçant son cœur à son tour, comment redonner ce qu'on lui a confié si délicatement.