my story

Enoch c’est un gentil gamin. Un peu espiègle, c’est vrai. Chamailleur, oui. Turbulent, c’est pas faux. Mais surtout téméraire.

Le papa d’Enoch est un scientifique. Un Alchimiste. La maman d’Enoch c’est une jardinière. Non, une botaniste. Un jour les parents d’Enoch lui ont demandé s’il voulait un animal ou une plante. Il n’a pas compris la question. Enfin si. Ce qu’il n’a pas compris c’était pourquoi il devait faire un choix. Résultat Enoch a réclamé un phasme. Pour faire stylé il a pioché des lettres au hasard dans un sac de jeu et le bordel c’est retrouvé affublé du nom de Vade. Même si sa mère a continué de l'appeler Vlad. C’est une brindille, pas un vampire maman.

Tout ça est bien joli, banal, cliché. Futile ? Non. Car ce moment précis de la vie d’Enoch a déterminé toute la suite.

Petit Enoch s’ennuie aujourd’hui. Il fait orage, sombre, maman dort et papa est parti. Il a un peu la trouille le bonhomme. Vade aussi, puisqu’il tente de rentrer dans l’oreille d’Enoch. Comme si son cerveau avait besoin de fleurir ! Et puis coupure de courant, l’obscurité se resserre autour d’eux. Enoch ne distingue plus clairement sa brindille, posée dans sa paume, qui tremble de peur. Alors Enoch a une idée de génie : il suffisait de rendre Vade lumineux ! Luminescent. Phosporépent. Enfin ce truc là. Il n’a pas droit, mais il sait comment faire, Enoch.

Il dévale les escaliers de la maison de campagne, empile des chaises (tranquille Emile) et décroche le trousseau de clés interdit. Il court dans l’entrée et … mince demi-tour : on ne court pas pieds nus sous un orage ! Il enfile ses bottes, et traverse la cour vers le cabanon. Toutes les clés y passent, et forcément la dernière est la bonne. Aurait-il eu l’idée de demander à Vade de lui épargner toutes ces peines ? Non.

L’endroit sent le renfermé, l’humidité. On y voit encore moins que dans la maison. A tâtons, Enoch s’approche de la table, grimpe avec peine sur le tabouret, et réfléchit. Quand il fait de la peinture avec maman et qu’il mélange toutes les couleurs, elles donnent naissance à du noir. Comme ils sont dans le noir, si Enoch mélange toutes les fioles, tous les becs, l’effet inverse devrait se produire, non ? La seule logique qui lui échappait, c’était de savoir si Vade devait faire trempette dans le produit, ou le boire. Et s’il le buvait, lui ? Peut-être qu’il brillerait ? Ce serait rigolo !

Alors Enoch mélange. Il mélange tout ce qui lui tombe sous la main. Les liquides, les solides, ce qui pique les yeux, ce qui sent bon … inutile de poursuivre, vous vous doutez bien que l’idée n’était pas des meilleures. Le cabanon s’est embrasé si vite que même si maman avait été éveillée, elle n’aurait rien pu faire. Le cabanon s’est embrasé si fort, que son ventre a gonflé avant d’exploser. Enoch n’a eu que quelques secondes pour comprendre son erreur, pour être gagné par la panique, et pour se diriger vers la porte. Le souffle l’a envoyé promener plus loin, et maman est arrivée sous les hurlements de souffrance de son petit.

Enoch est donc marqué à vie. Au visage, sur tout le corps. Il en a souffert, le petit Raeken. Longtemps. Mais il a encaissé. Il a aussi encaissé les disputes de papa et maman, s’accusant mutuellement. Vade n'a pas pu partir aussi vite que le petit garçon, Enoch et son cousin lui ont creusé une tombe. Il aurait voulu avancer, Enoch. Mais il peinait.

Et puis ce type bizarre s'est présenté. Avec son chapeau et son grand nez. Ses mots étranges et son air affable. Tout ce qu'Enoch a retenu, c'est qu'il avait des pouvoirs. Et qu'il pourrait apprendre à transmuter des trucs. A lire dans les étoiles, à taper la discut' avec les monstres.

Alors il a accepté de suivre le monsieur à chapeau.

Et finalement Enoch s’est relevé. A coup de sourire, de dessins sur le visage, de masque aussi, parfois. A coup de poing également. Ça, ça plait beaucoup moins à ses parents. Mais c’est comme ça. La colère faut bien l’extérioriser, sinon on gonfle, on gonfle et … POUF comme la cabane.