P-p-p-poker Face [Ouvert - 3 places]

Quel ennuiiiiiiiiiiiii.

Insupportable, vraiment. Je ne suis rien au rythme de l’endroit, je m’emmerde comme un rat mort à 90 % des cours,  et l’espèce de bourg paumé qui nous sert de centre culturel est si loiiiiiiin et si nuuuuul.

Wallace, ma grande, tu perds ton groove. Tu dois faire quelque chose, et vite, pour te remettre dans le bain, pour avoir un semblant de contrôle sur ta vie. Et, surtout, pour imposer un minimum ton existence aux autres. Héhé. Mais quoi ? Bon, le club de dessin, ça va bien 5 minutes, les autres gribouillent, ça leur fait plaisir, super. Le journal ? Ouais, d’accord, y’a de quoi s’amuser un peu, et la plume me démangeait justement, mais j’avoue que je refuse de m’approcher de leur processus de finalisation. Visiblement, ils n’ont pas de photocopieuse, et je n’ose pas imaginer quelle bêtise ils sont allés inventer pour y suppléer.

Qu’est-ce que je pouvais faire d’intéressant pour tuer une soirée, peut-être deux ou trois, et en même temps faire quelques vagues dans cet établissements de neuneus ?

Il me faut trouver un truc qui transgresse un minimum les règles, sinon ce n’est pas drôle, ça c’est évident. Et ensuite, il faut que la situation me mette à mon avantage un minimum. Je saurais quintupler mon avantage avec mon bullshit habituel quand j’y serais. Hummmmm…

Je claquais des doigts, seule dans les couloirs, perdue dans mes pensées. J’avais trouvé.

---

Me voilà donc, dans le grenier de l’école. L’ambiance est impeccable. C’est un peu miteux, mais ça contribue à l’aura des lieux. J’ai trouvé quelques bougies, qui une fois allumées et éparpillés éclairent juste assez l’endroit pour y voir confortablement à cette heure où il commence à faire sombre. Une vieille table ronde, couverte d’une atroce nappe vert sapin, trône au milieu de tout ceci. 4 chaises, dont celle sur laquelle je suis assise présentement, l’entourent, mais d’autres sont facilement trouvables au fond du grenier. J’ai planqué une vieille bouteille d’alcool (incroyablement aisée à trouver dans le bâtiment des Acorouges, d’ailleurs, c’est inquiétant) et quelques verres poussiéreux dans un coin. Et bien sûr, posées sur la table, il y avait le plus important.

Les cartes. Car ce soir, on allait jouer au poker.

Plus précisément, du poker fermé en 5-Card Draw. Le plus simple, vraiment. N’importe quelle andouille d’ici pouvait saisir les règles en 5 minutes. Pour ce qui était des mises… Et bien, j’avais de l’argent sur moi, mais on verrait, peut-être qu’on pouvait rendre ça plus intéressant.

J’avais passé la semaine à faire courir un peu la rumeur sur la session de ce soir. Gentiment, il s’agissait de ne pas se faire rameuter tout un dortoir ou les hautes autorités. Mais juste assez pour, je l’espère, attirer des gens intéressants. Ou des gens tout court, à vrai dire. J’admets que je serais assez déprimé que personne ne vienne.

Pour ce qui était de ma tenue, j’avais sorti le grand jeu. Débarrassée des chemises ennuyeuses réglementaires, j’avais enfilé une robe noire à manches longues, très chic, mis du noir à lèvres et posé un vernis violet sombre sur mes ongles. J’avais malheureusement dû me résoudre à porter une paire de baskets noires pour ce soir, l’accès au grenier rendant trop ennuyeux le fait de s’y rendre en talons. Enfin, on n'allait pas regarder mes pieds, je pense.

Et maintenant, ne me restait plus qu’à attendre les invités. Déjà j’avais l’impression d’entendre qu’on se rapprochait...

HRP: