Presque tout le monde s’accorde pour dire que le week-end est un moment de délivrance, un souffle de liberté et de plaisir qui glisse et s’engouffre dans les atomes de tout à chacun. Quand certains filent au cinéma regarder le dernier Ducobu, d’autres passeront la soirée à rêvasser dans les eaux chaudes des bains ou encore à se demander sur qui copier leurs futurs devoirs. Puis, il y a les malheureux qui sont contraints de travailler, pour dépenser le tout dans des bricoles qui n’auront plus de grâce à leurs yeux le lendemain des dépenses ou encore pour amasser un pécule qui leur sauvera la mise un jour ou l’autre. Maxime faisait partie de cette dernière catégorie et quand bien même le travail n’était ni harassant, ni particulièrement déplaisant, elle aimait se dire que la vie devait être plus simple lorsque l’on héritait d’une somme d’argent absolument indécente. Malheureusement, aussi loin portaient ses souvenirs, sa famille ressemblait à toutes celles de la classe moyenne, sans grand espoir de gagner au loto. Mais avant de rejoindre Hideaki et Dalhia à la supérette, il lui fallait rendre visite à quelqu’un.

Une semaine avait passé depuis la soirée organisée dans la maison des Aconits et elle n’avait toujours pas pu s’enquérir des nouvelles de Cyrus, qui avait totalement disparu de son radar depuis. Elle avait pourtant bien des choses à lui dire, mais comme à son habitude, une fois en face de lui, les mots exacts lui manqueraient et l’exactitude de ses pensées serait tronquée en raison de sa faiblesse orale. Mais il lui en faudrait bien plus pour la dissuader de retourner tout Hellébore et de mettre sur la tête rouge de son ami ; c’était ce pour quoi elle s’y prenait suffisamment tôt pour ne pas arriver en retard à Dunleen.

Je te dérange pas trop ?

Il était là, lui tournant le dos, vouté sur lui-même, surement absorbé par l’écran de son portable ou par des pensées profondes. Il était là, seul et c’était tout ce qui lui importait.

J’avais besoin de te parler de la soirée.

Ah, elle ne savait pas comment mettre les mots justes ou au contraire, les connaissait-elle très bien : « Tu te rappelles quand Ambre t’a allongé, comme un torchon sur une tache de saleté, sur la table et qu’il t’a étranglé ? » mais ce n’était pas ainsi qu’elle voulait s’exprimer. À pas feutrés, elle s’approcha de lui. Le temps était passé, surement qu’il n’y avait aucun bleu sur sa gorge et s’il y en avait, Cyrus aurait été à l’infirmerie et non pas ici, mais tout de même, il lui fallait être sure qu’il allait bien, même si c’était d’une manière bien peu directe.

Quand Ambre a voulu t’éclater en public.

C’était là un résumé bien grossier de la situation déplaisante dans laquelle il avait fini, mais néanmoins pas incorrect. Elle ne voulait pas spécialement se remémorer de cet événement, mais d’autres alternatives ne lui étaient guère possibles, pas si elle tenait à lui demander pardon.

Je voulais m’excuser à ce sujet. De rien avoir fait pour te défendre. On était tous les deux responsables de la soirée et…tu étais au mauvais moment, au mauvais endroit et...tu as pris tarif pour nous deux.

Elle ne lui dit pas que sur le coup, elle pensait qu’il l’avait bien méritée, que prévenir un délégué qui dormait dans la même chambre que lui n’était tout de même pas bien compliqué, qu’il était un crétin, une tête en l’air, un petit con. S’il était ne serait-ce qu’un dixième de ce qu’elle avait pensé, elle était le centuple. Elle voudrait lui dire que personne ne devrait se faire étrangler pour des motifs aussi légers, qu’elle aurait aimé le voir continuer à danser avec les autres, sourire comme si de rien ne c’était passé. Mais ce n’était pas le cas.
Alors, elle avance encore, veut en finir au plus vite, veut retrouver ses rires et ses humeurs joyeuses, enlace ses épaules et s’assied à côté de lui.

Pardon Cyrus.

Elle n’est même pas capable de s’excuser convenablement, tout juste bonne à compléter son palmarès de maladresses.