Tu regardes ta montre avec impatience, Robin, en attendant la fin du cours d'enchantement. Ce soir, tu partages les corvées d'entretien des plantes du bosquet avec Luka. L'élève, bien que dans quelques classes inférieures à la tienne, était quelqu'un avec qui tu avais prit l'habitude de passer du temps. Il n'était pas inhabituel que vous vous aidiez mutuellement pour les tâches ménagères, surtout quand vous preniez le relais de celles de quelqu'un d'autres, plus ou moins contre votre gré. Mais ce soir, tu es plus que volontaire. T'as une bonne excuse pour envoyer chier quiconque viendrait te demander quoi que ça soit et repousser tes devoirs au profit de ton obligation préférée.

C'est à peine si tu fais le détour par ta chambre pour te changer, te contentant juste te passer une serviette humide sur ton visage et de te débarasser de ta cravate et de ton sac à dos pour les troquer contre un cardigan bordeau bien deux tailles au dessus de la tienne. Il y a ce côté automnal rassurant dans cet accoutrement que tu affectionnes particulièrement à l'approche de Mabon. Mais la vraie raison pour laquelle tu es allé au dortoir, c'est pour bichonner une seconde tes propres plantations. Humidifier les feuilles qui en ont besoin, tourner les pots face à la fenêtre, ajouter un peu d'engrais à la Calathéa derrière la porte, avant de repartir, dévalant les escaliers menant au sous-sol au pas de course.

Luka est déjà là, sa silhouette frêle éclairée par les reflets colorés de la lumière des bougies filtrée par les nombreux cristaux du bosquet. L'ambiance du sous terrain menant au dortoir des filles à cette ambiance si particulière, calme, qui a probablent exacerbé ton amour pour la flore depuis que tu l'as découvert. Ton arrivée énergique a pourtant boulversé cette sérénité si particulière, et tu regrette de ne pas avoir ralenti le pas avant d'arriver. Affichant un sourire innocent pour cacher ta gêne d'être arrivé si bruyemment, tu te contente d'un salut bien plus sobre  à ton camarade, pendant que tu sors le matériel de jardinage d'un des coffres en bois. Des mots chuchottés, comme si tu craignais déranger le repos de quelqu'un, dans cette cave pourtant bien vide.

Salut. Je suis en retard? J'ai un peu trainé, désolé.

Luka t'accueille avec un sourire, et propose que vous vous attaquiez à votre tâche. Tu ne peux qu'acquiescer, tout aussi enchanté par la perspective qui vous attend. Tu t'équipes d'un arrosoir dans chaque main et de deux petits brumisateur que tu vas remplir au tuyau d'arrosage.

Et si le silence t'es agréable, tu te dit que ton camarade le trouve peut-être un peu pesant. Tu ne voudrais pas avoir l'air antipathique. Mais le fait est que, au fond, tu ne sais pas trop quoi dire. Et tu réalise que tu ne connais le jeune homme qu'en surface. Ca ne serait pas le premier, c'est vrai, mais cette fois, ça te surprend.

Alors? Elle se passe comment cette rentrée? J'ai du mal à croire que ça soit déjà bientôt Mabon.

Des banalités, que tu regrette presque instantanément. C'est pas encore, pire, au final, de parler pour rien dire? Et tu sais que le bruit de l'eau remplissant les réservoirs n'aura pas suffit à étouffer tes paroles. Alors t'essayes de continuer vers quelque chose d'un peu plus interactif en arrêtant le flux de liquide. Et c'est en tendant à ton camarade son outil que tu développe.

Tu as commencé à réfléchir ce pourquoi tu allais exprimer ta gratitude pendant le repas? J'ai toujours mes frères et soeurs à remercier, mais il faudra définitivement que tu fasses partie de ma liste cette année. Heureusement que tu es toujours là pour m'aider avec les corvées.

Ce n'est peut-être pas encore l'heure de formuler sa gratitude, encore à un week-end de l'équinox, mais ça vaut toujours quelques bons points de remercier ceux qui t'aide aussi régulièrement que Luka. Les lèvres arquée avec cet air bienveillant, tu t'atèles à l'arrosage de la flore du sous-sol d'une expression intriguée. Il y a de nouvelles pousse qui sont apparues, de nouveaux pots appartenant probablement à quelques élèves partageant la même passion que la tienne.

Luka bégaye un peu dans sa réponse, et répond d'une simple phrase. Formule de politesse à tes oreilles, t'as l'impression de l'ennuyer, et ça te met mal à l'aise. Tes muscles se raidissent un peu, tandis que tu essayes désespérément de trouver un autre sujet de conversation pour ne pas continuer à allimenter le silence qui a reprit ses pleins droits sur le bosquet.

Une seconde, tu te demandes si prétendre la maladresse en renversant "accidentellement" ton arrosoire ne ferait pas l'affaire, mais tu te souvient bien vite que la malhonnêteté ne te sied guère.

Puis t'as pas vraiment le temps de divaguer plus que ça, Robin. Parce qu'à peine as-tu abreuvé cette pousse inconnue, que tu sens quelque chose s'agripper à ta manche. Tes iris se déplacent lentement. Parce que sur le moment, t'es persuadé que c'est une brache qui s'est prit dans les mailles de ta laine. T'as déjà presque la main dessus pour t'en débarasser du bout des ongles. Mais quand tu vois ce que c'est, il te faut quelques secondes pour réagir.

Pour te rendre compte que ça pique, un peu...

... Les crocs des carnivores, à travers le tissus, jusqu'à dans ta peau.

Et l'arrosoire te tombe des mains, naturellement cette fois, face à la réalisation que t'as pas la moindre idée de ce qu'est ce truc qui t'attaque, ni pourquoi. Et comment tu vas faire pour t'en débarasser.

Luka...? T-tu peux m'aider? Je crois qu'on a un problème.

Luka te sépare de la plante avec une douceur inattendue. Il y avait toujours une certaine douceur émanant de sa personne. Une qui était tellement plus naturelle que la tienne. Tu lui enviais cette capacité à vraiment en avoir vraiment quelque chose à faire, de ce qui arrivait aux autres. D'être plus qu'un sourire de surface.

Quand ton ainé conseille que tu passes ta main sous l'eau, tu sors de ta jalousie maladive. En profite pour prendre quelques pas de recul. Ca serait trop bête de rester à l'endroit où tu t'es déjà fait prendre une fois.

Tu as raison.

Un peu tendu, mon cher? Tu n'aimes vraiment pas te renprendre dans ce genre de pensées toxiques, il faut croire. Aller passer ta morssure sous l'eau est donc une excellente excuse pour t'éloigner un peu, et raffraichir tes pensées. La main sous la source qui avait remplit les arrosoire quelques minutes auparavant, tu te laisses bercer par le bruit du liquide. Cet étément a toujours su te calmer, t'ancrer au rivage. Mais quand, par dessus le cliqueti rassurant du courant, la voix de Luka parvient à tes oreilles, tu ne peux t'empêcher de froncer les sourcils. Son visage légèrement rougissant n'arrange pas les choses.

Ta mâchoire se serre une seconde, tandis que ton regard passe de l'évitement maladive à la fixation tendue. Quoi? Est-ce qu'il?? Flirt?? Ou je rêve? C'est un peu embarrassant, en vrai. Et tu ne sais pas vraiment quoi lui dire. T'as les joues qui rosissent légèrement à ton tours, le quiproquo rendant les choses bien plus embarassantes que ce qu'elles ne l'étaient vraiment.

Euh... Oui, pourquoi pas?

Tu veux faire comme si t'avais pas interprété les choses de travers, Robin, mais on sent dans ton intonnation que t'as pas prit ça comme une demande amicale. T'as l'air un peu trop étonné pour ça. Un peu trop prit de court, aussi. D'ailleurs, alors que tu te diriges en direction du jeune hommes, la phrase que tu ajoutes à mi-mots en passant devant lui le confirme.

Enfin... Je sais pas si t'es au courant mais, euh, je suis en couple, par contre? Du coup, hm, on parle bien d'un truc amical, hein?