SHOULD WE LEAVE OR SHOULD WE STAY
IS A GAME OF PRETEND THAT WE PLAY
Feat. Aloïs Kristjan
T'es une teigne, Aloïs, une bordel de foutue teigne, est la pensée qui fuse dans son esprit lorsque, descendant de son dos, après leur randonnée dans les bois, alors que les faisceaux du soleil promettent de bientôt s'immiscer entre les branches des feuillus, l'autre décide d'inverser sa transformation. Le cerf se départit de sa couronne princière pour revêtir la faiblesse de l'homme, celle-là même qui vicie les comportements de l'humain que se veut être Aloïs lorsqu'il est regardé, lorsqu'il est vu, et le retour à la réalité s'impose, abrupt.
Cameron tombe, s'accroche à l'autre sous l'impulsion, et se rétame sur la terre adoucie par l'humidité, par la rosée matinale. Son dos écope du plus gros de la chute et le poids d'Aloïs vient, momentanément lui couper le souffle. Essayer d'amenuiser les dégâts ne sert qu'à les empirer et il reste donc là, étendu sur le sol mousseux, à essayer de rattraper les goulées d'air qui s'égosillent à le fuir. Il a mal, un peu, l'adrénaline et la fatigue émoussant ses sens, et Aloïs est cette tournure de temps qui a déjà le goût de l'amertume.
Ça l'emmerde, trop, pas assez, et, dès que son corps le lui permet, il se redresse, écartant momentanément Aloïs pour mieux, la seconde qui suit, envahir son espace sous des termes qui résonnent moins comme des contraintes. Il éclate son front contre celui de son homologue, leurs cheveux s'emmêlant dans un ballet de contraires.
" Un avertissement, c'aurait été de trop ? ", siffle-t-il, vénéneux, frustré, la fatigue s'amoncelant contre ses tempes à la manières de galets empilés. Il a envie de le secouer, de l'abîmer, et ce genre de fureur, trop physique, trop bouillante, compte parmi les émotions qui le criblent de malaise, d'insécurités. Il mord sa lèvre inférieure et s'écarte, se relève, secouant la terre de ses vêtements. Il ressent une étincelle brûlante au niveau de son genou gauche qu'il ne mentionne pas, peu désireux de revêtir les étoffes de la vulnérabilité. Aloïs, il le croit, le poignarderait de ses mots avant de lui tendre la main et Cameron refuse de se faire berner. Après tout, la nuit est terminée et avec elle s'évanouissent toutes les merveilles qu'elle a su faire naître.
" Moi qui comptait me barrer tranquillement pour te laisser ton intimité. ", grommelle-t-il, bourru, mécontent.
Il jette un œil à la nudité de l'autre, peu choqué, ses mœurs intouchés, accordant une attention particulières aux tatouages, symboles de la malédiction - bénédiction, corrige son esprit - qui cintre l'existence d'Aloïs. Là où l'apparat de l'autre ne lui fait ni chaud ni froid tant leur relation est cernée de cet antagonisme incompréhensible, les tatouages, les runes, l'intriguent, pétillent à l'orée de sa conscience. Il a deviné les même - ou presque - sur Kieran, sur le tigre, sans jamais, pour le moment, réellement osé le confronter. D'en voir de si près, tellement près, a quelque chose d'électrique. En d'autres circonstances, il serait départagé entre son désir de décence et ses intérêts intellectuels, mais Aloïs est ce mur infranchissable, cet outil qu'il ne sait manier. Il ne peut même pas considérer la possibilité de s'approcher, de toucher, de mieux regarder.
" Vraiment, je comprendrai jamais les trucs qui te passent par la tête... "
Ça l'emmerde, mais, il lui tend sa veste, un épais cardigan trop long, destiné à le protéger de la fraîcheur nocturne. Ça l'emmerde, mais il préfère, même si c'est naïf, même si c'est stupide, tendre une branche d'olivier plutôt que de se laisser aller à l'animosité.