Danse au pays des fuyards | Asmodée

Halo Halo

L'enseignante quitta les lieux sans un mot de plus, laissant Cassis en plan au milieu du couloir vidé. Il avait crut bon de rester quelques minutes de plus à la fin du cours, mais il l'avait payé par des mots rudes et froids.

Il n'avait jamais été réprimandé de cette façon pour son travail - il n'y avait jamais eu de raison pour non plus - mais aujourd'hui, il avait eu la chance d'expérimenter les remontrances pour ses résultats médiocres. Cassis n'était pourtant pas médiocre. Il était travailleur, attentif et soigneux. Il prenait racine dans la certitude d'être un bon élève.

Apparemment, il avait juste cessé de l'être. De son meilleur amis à ses études jusqu'à sa propre personnalité, tout lui échappait. Ridicule. Humilié. Il lâcha ses affaires par terre. Là, droit, incapable de les jeter au travers du couloirs et d'être à la hauteur de sa propre colère.
Le bruit sourd que firent le cahier et le livre en frappant le sol lui donnèrent la nausée. Qu'allait-il bien pouvoir faire s'il ne pouvait même plus prendre plaisir à étudier, si tout lui demandait une énergie qu'il n'avait plus. Il était un échec, c'était ce que l'enseignante lui avait dit. Il faut que tu te réveilles, Cassian.

Cassis ne ramassa pas ses affaires, il resta là à essayer de contrôler sa respiration et la frustration qui la malmenait. Il avait belle allure, l'épuisé.

Un grincement - le parquet trop vieux pour cacher la moindre présence - et Cassis retint sa surprise avant qu'elle ne le fasse complètement sursauter. Par contre, il ne réussit pas à empêcher son regard de se ficher avec colère dans le malvenu.

Halo Halo
Un malvenu qu'il connaissait - un ami un jour. Asmodée et sa peau tatouée, son visage qui captivait Cassis et lui faisait se demander ce qui aujourd'hui avait changé.

Il l'avait vu, parfois, à l'angle d'un couloir, assis en classe, dehors dans le parc, mais il ne lui avait plus adressé la parole depuis que l'aconit l'avait rejeté froidement l'année dernière. Cassis n'en avait pas fait un scandale, il ne prenait pas à cœur d'être mis de côté - la vie avait cet effet parfois. Il n'était pas une priorité, certaines amitiés étaient ainsi. C'était juste un peu amer, quand lui, avait mis de l'importance dans un lien un peu doux, un peu léger, tout simple.

-Pas la peine de me regarder comme ça Cassis, j'y suis pour rien si t’oses pas balancer tes affaires pour rendre ta colère un peu crédible.

Cassis se sentit attaqué, frappé avec des mots qui s'ajoutèrent au trop plein déjà présent et ne lui firent pas se débarrasser de son regard agacé. Il n'avait pas besoin que quelqu'un d'autre vienne en rajouter, n'était-il pas déjà suffisamment ridicule à ne pas savoir quoi faire de ses mains et de ses émotions ?

-Tu veux de l'aide pour ramasser peut-être ?

-Ton aide ?

La question était partie toute seule, Cassis finit de se retourner, abandonnant ses affaires au sol.

-Tu veux même pas de la mienne, Asmo, qu'est-ce que je vais bien faire de la tienne.

Il était froid dans son ton, acide, mais incapable d'être totalement mauvais, d'être à la hauteur de sa frustration. C'était un problème, ne jamais être à la hauteur. En détachant enfin son regard du visage d'Asmodée, ses mains attirèrent son attention. Écorchées et abîmées, marquées par une bataille dont Cassis ne savait rien. Il faillit demander si ça allait - ce qu'il s'était passé - mais il serra la mâchoire.

-Qu'est-ce que tu fais là, de toute façon ?

Et demanda quand même.

Halo Halo

- Ça te regarde pas, j'étais là c'est tout.

Cassis écarquilla les yeux, surpris, malgré tout, d'être rejeté encore une fois. Il venait pourtant de le faire aussi... mais c'était différent, pour lui, de pointer du doigt l'injustice et de se la prendre en pleine figure.

Hébété, Cassis le laissa passer devant lui et s'agenouiller auprès de ses affaires... S'agenouiller ?

- Et puis, c'est pas que je voulais pas de ton aide, j'en avais juste plus besoin. C'est tout.

Il n'y avait pas d'acidité dans les mots et pourtant l'helvelle sentit sa gorge se nouer et l'envie de secouer Asmo le prendre. Et, Cassis, parce qu'il ne savait plus que faire de ses pensées, s'accroupit et attrapa ses épaules, le secouant - brusquement ? Non, avec l'intention, mais sans la force. Il n'avait pas l'habitude d'agir ainsi. Il ne savait plus comment gérer ni ses membres, ni ses mots. La colère, il ne connaît pas.

-Mais tu t'entends parler ?!

L'adolescent baissa les yeux et réalisa qu'il avait posé un de ses genoux sur son cahier, il voulut se reculer, mais au même moment, sa bouche choisit de poursuivre.

-T'aurais pu me le dire depuis le début !

Qu'on n'était pas ami.
Il perdit l'équilibre et dans son mouvement, poussa Asmo pour l'éloigner de lui - le libérer, se battre. Cassis finit sur ses fesses, ses affaires désorganisées et le regard flambant posé sur un Asmo qu'il voyait pour la première fois. Ce n'était pas vrai; Asmo lui avait déjà porté de tel coups avec ses mots, mais en ce temps là, Cassis comprenait.
Ce n'était plus le cas.

Il baissa les yeux sur les mains de son vis-à-vis. De près, elles étaient pétrifiante. La chair s'était déchirée pour laisser place aux échardes d'un bois rappé et arraché. Il n'y avait pas de sang, mais le fait que ces mains soit rattachées à un corps tout à fait vivant, les rendaient plus inquiétante - comme si le sang allait se mettre à couler, d'un instant à l'autre.  

Que c'était-il passé ? Pire... Est-ce que ça faisait mal ? Mais cette fois-ci, Cassis réussit à ravaler ses mots et à détourner les yeux.

Halo Halo

Qu'est-ce que tu veux entendre de plus ?
Cassis serra les dents, la blessure béante. C'était pire qu'une insulte, pire que le fait de se faire repousser. Asmo ne semblait même pas imaginer où était le souci et ça.. ça c'était un coup violent.

- Me regarde pas comme ça putain, tu le sais très bien, tout le monde le sait ! Arrêtez de faire les étonnés putain, tout le monde dans cette putain d'école sait que j'suis pas humain !

N'était-ce pas le cœur du problème, après tout. Que cette coquille de bois n'avait rien d'humain. Pouvait-il seulement ressentir de l'affection pour quelqu'un ? Une amitié ? Avait-il cette capacité ou était-il qu'un pantin vide avec un seul objectif. Cassis n'avait été qu'un outil pour celui-là, maintenant prêt à être jeté, abandonné. L'année dernière, il avait eu le sentiment qu'Asmo avait besoin d'espace, mais aujourd'hui, cet espace pouvait bien aller se faire voir.

- T'es peut-être pas humain, mais t'es bien vivant pour être aussi...!

Cassis attrapa un de ses cahiers et le lança à la figure d'Asmo. Rage et colère bloquaient ses muscles, mais l'intention y était au moins autant que dans ses mots.

- T'as vraiment rien pour toi ! T'es là à me crier dessus comme si j'y pouvais quelque chose ! T'as les mains déchiquetées ! Tu vas pouvoir les soigner au moins, espèce d'abruti !?

L'insulte tomba, dépassant la pensée de Cassis qui n'utilisait jamais ce genre de mot et qui du coup, ravala l'entièreté de sa frustration et cessa de respirer. Qu'avait-il fait ? Qu'avait-il dit ? Ce n'était pas ce qu'il voulait et pourtant, les voilà au sol, Cassis criant sans contrôle en espérant quoi... récupérer son ami ? Faudrait être deux, pour ça.