Nos doigts qui se tendent, et nos gorges étranglées.Suck my lips, bite into my limbs.Langoureusement.
Elle a insisté sur le mot, et il y a dans mes veines un amas trop cristallin d’alcool qui inhibe mes désirs de voir un corps autre, une face autre. Mais la soirée est avancée, les heures de cette journée épuisante aussi, et j’ai dans le coeur ce rythme succinct d’un alcoolisme qui me fait tanguer, doucement, qui me fait vaciller, rien qu’un peu, sur le côté. Il est presque minuit, j’ai les oreilles qui sifflent et des accouphènes qui me murmurent des promesses masochistes. Mais il y a, entre nos doigts, la bouteille évidée qu’Ambre a confisqué à cet élève trop jeune, lequel envisageait probablement faire avec ses camarades exactement ce que nous sommes en train de faire. Et je souris, je souris, parce que la soirée est terrible, horrible, que j’ai vaguement envie de vomir, surtout de pleurer, et je souris. Je souris, parce que le jeu est idiot, mais que je n’y avais jamais joué avant. Je souris parce qu’Ambre a le sourire éteint, le regard embrumé et l’attitude d’un prince. Un prince qui a ouvert les cuisses, remonté sa main en ce mouvement trop grâcieux et je glousse, je glousse, parce mes yeux rencontrent les siens. Max, au sol, est le juge tout puissant d’un comportement qu’on m’a imposé, d’un mouvement que je dois provoquer. Langoureusement.
“Oh no. Am I allowed to do that ?”
Bien sûr que je le suis. Bien sûr que je le suis. Je me redresse, je suis ce géant qui titube, et il est, en riant, cet individu probablement aussi paniqué que je suis grisé. Wait what, wait what, qu’il murmure, et mes doigts viennent saisir l’angle de ses mâchoires, pour instaurer une pression délicate contre sa gorge.
“Shh shh shh, that’s the game. You have to accept it. I’m the, the, the utterly ... best kisser in this room, obviously, so… ”
Mes pouces, sous ses yeux, viennent glisser ce rythme lent contre sa peau. J’ai froid, je suis froid, mais c’est le constat naturel, permanent d’une réalité qui ne m’échappe pas. Mais lui, lui, il a cette fraicheur qui me choque, il a ces degrès en moins par rapport à un humain normal, et mes doigts se perdent contre ses cils, mon souffle se bloque un instant. PArfois, parfois, Ambre, j’oublie ce que tu es, j’oublie que tu es presque aussi glacé que moi. Mes doigts contre sa joue, mes ongles contre sa peau, et je souris, je souris.
“Nah, nah, that’s too easy. Also, you were not able to do your turn. Sooo.”
J’ai dans le cerveau un brouillard qui crève ma raison et tue mes synapses. J’ai dans le coeur un animal blessé qui a oublié de respirer, et j’espère, j’espère que je ne m’en voudrais pas trop. J’espère que je pourrais faire semblant, après, de considérer que c’était juste un jeu, que je m’amusais, que je me moquais, que je n’étais pas sérieux. Hontoni gomen nasai, Hisashi-kun. Gomen nasai.
“So. Shut up, ok ? You’re not allowed to talk anymore.”
Alors je grimpe. Mes cuisses viennent presser contre les siennes, et j’ouvre les jambes, pour m’installer, pour bien me camper; empereur tout puissant. Il est un prince, il est peut-être un roi, minuscule et arrogant, mais je suis l’empereur, je suis l’empereur, et j’ai la bouche ouverte. Mon souffle en vrille, mon coeur en suspens, je me sens épuisé, las de tout, et j’ai le sang qui bat trop fort. Mes mains, contre sa joue, ont glissés, et je referme mes doigts dans ses cheveux. Maintenant, maintenant, je suis trop haut, j’ai trop le vertige, et je ne peux plus redescendre. Maintenant, c’est engagé, et mes incisives viennent appuyer, contre ma lèvre, tandis que d’une main, je lui soulève le menton.
“I dare myself, Max, tooo…”
Mes yeux se tournent vers elle, et j’ai les lèvres qui s’étirent en cet angle chargé de promesse. Ça crisse, sous mes dents.
“I dare myself…”
Ça crisse sous mes dents et je viens poser mon front contre celui d’Ambre. Maintenant, j’ai le coeur qui bat trop fort, et mes doigts enfoncés contre sa nuque. J’ai les cuisses qui serrent, et tu sais, tu sais, si tu veux me repousser, c’est maintenant qu’il faut le faire, parce que je ne peux plus arrêter, maintenant. L’épiphanie de l’oubli est cette zone dans laquelle je me vautre, et ma poitrine, je l’appuie, un peu trop fort, contre la tienne. Tu sais, Ambre, je me souviens de cette nuit-
“To survive.”
Ses cils, contre les miens, ont ces bruissements qui résonnent comme des fracas d’acier. Mon nez heurte le sien, et j’ai ce sourire, ce sourire trop moqueur, trop vicieux, et son souffle presque entre mes lèvres. I dare you, Ambre, I dare you to make me feel alive. Je viens murmurer, au dessus de sa bouche, dans un japonais anonyme.
Je te défie de ne pas me tuer.
J’ai entre les cuisses la sensation trop chaude d’une excitation sanguine. Ma bouche rencontre la sienne et j’appuie, j’appuie ma face contre celle du vampire. C’est brutal, c’est presque timide de violence, et mes dents claquent à moitié contre les siennes, mes mains s’emparent de ses épaules. Kiss me, kiss me and make me feel alive. J’ai froid, j’ai chaud, et ma salive vient appuyer, ma langue vient presser fort contre ses canines. Je veux savoir.
Je veux savoir ce que ça fait.
Et entre ma langue, sous mon palais, ça a lancé du feu contre mon âme. Je mords, je suce, j’ai attrapé entre mes dents un morceau de chair, et je ne lâche pas, je ne lâche pas, je le serre contre moi, je veux sentir, je veux savoir. Je le serre, il est froid, et mes cheveux se froissent contre nos visages trop rapprochés. Ambre, Ambre, je sussure, et mes genoux claquent contre les accoudoirs. Mes dents craquent la peau, je le mords, je me mords, et ça m’explose dans la bouche, ça me craque entre les dents. Le sang, beaucoup trop chaud, gicle.
Suce, Ambre.
Suce moi.
Et je ne lui laisse pas le choix : j’appuie, trop fort, contre ses épaules, pour ne pas être repoussé, pour ne pas être bousculé, je lui enfonce les ongles dans la peau, et j’étale ma bouche contre la sienne. Sang, sang et salive, et mes crocs trop épais qui frappent contre ses gencives. Je vais mourir, je vais mourir, j’ai oublié de respirer.
Suce moi.
Et la pensée de l’imaginer hurler, de l’imaginer pleurer, de l’imaginer souffrir me fait me figer. La pensée de l’imaginer maudire mon nom comme je maudis celui de mes parents me fait arrêter. Mes lèvres se décollent, ma langue se retire et ça siffle entre mes lèvres. Je recule, je respire, et inhale, inhale. Fuck. I’m sorry, I’m sorry.
Mais je ne le montre. Je ne le montre pas, je souris.
“Heh.”
J’ai les pupilles fendues, les prunelles étrécies. J’ai sur le bout des doigts une électricité qui résonne entre mes cuisses. Je souris si fort.
“Wanna try, Max ?”
Dernière édition par Annabeth H. Hawthorne le Ven 28 Aoû - 2:09, édité 3 fois