À 22h, c’est couvre-feu général à Hellébore. On éteint les bougies, on se glisse sous les draps, on entend les bruits des pas des intendants dans le couloir. Certains parmi les plus âgés s’offrent une petite balade nocturne, histoire de se changer les idées.
Et certains continuent de travailler comme des dératés. Pas par choix, pas toujours du moins. Mais il s’avère que des malchanceux peuvent faire face à des situations inattendues qui les forcent à transgresser la sacro-sainte extinction des feux.
Erin Kelly était de ces gens-là. Il y a quelques temps, son employeur, le très estimé directeur Obyrne, lui avait demandé de lui apporter un certain ouvrage. L’homme étant souvent très occupé, ce n’était pas chose rare pour Erin que de lui apporter des livres à sa requête. Une mission qui ne la dérangeait pas le moins du monde.
Sauf à cet instant précis. Parce qu’Erin cherchait ce fichu bouquin dans tous les sens depuis 3 jours. Elle avait d’abord pensé à une erreur dans sa notation des emprunts. Ou bien peut-être qu’un élève distrait l’avait emporté sous le bras sans s’en apercevoir et notifier la bibliothécaire. Mais après avoir contacté par lettres volantes tous les élèves étant passés dans son domaine au cours de cette semaine, elle avait dû se faire à l’évidence.
Le livre était ici.
Et il était mal rangé.
Et, comme l’indiquaient les écrits sur les quelques feuilles de papier scotchées ça et là : Un livre mal rangé est un livre perdu. Il n’y avait, pour ainsi dire, aucun moyen de retrouver précisément un livre glissé dans la mauvaise étagère. Même dans le "monde de la magie". Erin avait bien tenté de mettre au point un enchantement qui faisait luire en rouge les ouvrages posés au mauvais endroit… Mais ce qu’elle avait conçu nécessitait d’enchanter également l’emplacement précis où le livre devait être rangé, un processus incompatible avec une collection qui n’avait de cesse d’être modifiée, élargie, amputée d’ouvrages, réorganisée. D’autant plus qu’elle n’avait pas la permission d’enchanter les ouvrages anciens (ce qu’elle comprenait, au-delà du risque de les endommager, un livre ayant traversé plusieurs siècles était forcément déjà un peu enchanté).
Elle ne perdait pas espoir de parvenir un jour à "moderniser magiquement" sa chère bibliothèque, mais il y avait encore du travail.
Du coup, Erin était actuellement assise sur un tabouret inconfortable (trop de confort favorisait le sommeil), éclairée par une orbe lumineuse flottant à quelques mètres du sol, émettant un rayonnement bleu pâle, qu’elle devait régulièrement renouveler en murmurant une petite incantation et en posant son index droit sur son pouce droit. Ses yeux passaient en revue les côtes des ouvrages, mécaniquement. Lorsqu’elle finissait un rayon, elle se penchait sur un petit bout de papier sur lequel était dessiné un plan sommaire de l’étage, et raturait la zone qu’elle venait de fouiller.
De temps en temps, quand elle n’était pas sûre de ce qu’elle venait de lire, que l’automatisme prenait le pas sur la réflexion et qu’elle devait recommencer sa rangée, elle jurait entre ses dents.
"Go dtachtfadh an diabhal thú, Valentine."
Elle était certaine d’avoir vu Valentine lire ce fameux bouquin au début de la semaine. Cette andouille (elle s’en voulait de penser du mal des élèves, mais elle était incapable de penser à Valentine d’une autre manière) avait replacé ça au hasard, et pour une fois elle n’avait pas été là pour la voir faire.
Et là voilà, assise dans la semi-obscurité. Tremblant de faim sans s’en apercevoir (trop stressée par sa recherche, elle avait à peine mangé à midi et avait raté le dîner, préférant consacrer son temps à la traque du livre). Les yeux cernés. Ses cheveux partaient à la dérive à force d’être tripotés nerveusement.
C’était vraiment une sale soirée.
Et certains continuent de travailler comme des dératés. Pas par choix, pas toujours du moins. Mais il s’avère que des malchanceux peuvent faire face à des situations inattendues qui les forcent à transgresser la sacro-sainte extinction des feux.
Erin Kelly était de ces gens-là. Il y a quelques temps, son employeur, le très estimé directeur Obyrne, lui avait demandé de lui apporter un certain ouvrage. L’homme étant souvent très occupé, ce n’était pas chose rare pour Erin que de lui apporter des livres à sa requête. Une mission qui ne la dérangeait pas le moins du monde.
Sauf à cet instant précis. Parce qu’Erin cherchait ce fichu bouquin dans tous les sens depuis 3 jours. Elle avait d’abord pensé à une erreur dans sa notation des emprunts. Ou bien peut-être qu’un élève distrait l’avait emporté sous le bras sans s’en apercevoir et notifier la bibliothécaire. Mais après avoir contacté par lettres volantes tous les élèves étant passés dans son domaine au cours de cette semaine, elle avait dû se faire à l’évidence.
Le livre était ici.
Et il était mal rangé.
Et, comme l’indiquaient les écrits sur les quelques feuilles de papier scotchées ça et là : Un livre mal rangé est un livre perdu. Il n’y avait, pour ainsi dire, aucun moyen de retrouver précisément un livre glissé dans la mauvaise étagère. Même dans le "monde de la magie". Erin avait bien tenté de mettre au point un enchantement qui faisait luire en rouge les ouvrages posés au mauvais endroit… Mais ce qu’elle avait conçu nécessitait d’enchanter également l’emplacement précis où le livre devait être rangé, un processus incompatible avec une collection qui n’avait de cesse d’être modifiée, élargie, amputée d’ouvrages, réorganisée. D’autant plus qu’elle n’avait pas la permission d’enchanter les ouvrages anciens (ce qu’elle comprenait, au-delà du risque de les endommager, un livre ayant traversé plusieurs siècles était forcément déjà un peu enchanté).
Elle ne perdait pas espoir de parvenir un jour à "moderniser magiquement" sa chère bibliothèque, mais il y avait encore du travail.
Du coup, Erin était actuellement assise sur un tabouret inconfortable (trop de confort favorisait le sommeil), éclairée par une orbe lumineuse flottant à quelques mètres du sol, émettant un rayonnement bleu pâle, qu’elle devait régulièrement renouveler en murmurant une petite incantation et en posant son index droit sur son pouce droit. Ses yeux passaient en revue les côtes des ouvrages, mécaniquement. Lorsqu’elle finissait un rayon, elle se penchait sur un petit bout de papier sur lequel était dessiné un plan sommaire de l’étage, et raturait la zone qu’elle venait de fouiller.
De temps en temps, quand elle n’était pas sûre de ce qu’elle venait de lire, que l’automatisme prenait le pas sur la réflexion et qu’elle devait recommencer sa rangée, elle jurait entre ses dents.
"Go dtachtfadh an diabhal thú, Valentine."
Elle était certaine d’avoir vu Valentine lire ce fameux bouquin au début de la semaine. Cette andouille (elle s’en voulait de penser du mal des élèves, mais elle était incapable de penser à Valentine d’une autre manière) avait replacé ça au hasard, et pour une fois elle n’avait pas été là pour la voir faire.
Et là voilà, assise dans la semi-obscurité. Tremblant de faim sans s’en apercevoir (trop stressée par sa recherche, elle avait à peine mangé à midi et avait raté le dîner, préférant consacrer son temps à la traque du livre). Les yeux cernés. Ses cheveux partaient à la dérive à force d’être tripotés nerveusement.
C’était vraiment une sale soirée.