Singing and singing, a merry air
Lean out your window, golden hair
C’est quand tout se meurt qu’il faudrait laisser la pluie tomber. Il est plus facile d’amener des fleurs que de s’en occuper, plus facile de laisser une pensée sans entretenir le souvenir. Il est passé par là plusieurs fois, les yeux rivés vers le temple des plantes, le petit jardin empilé. Lion décrit l’endroit comme le tombeau des fleurs sans se douter qu’elles ne sont pas réellement celles qui sont censé régir l’endroit. Lorsqu’il cessera de rêver, il voudra être laissé là et qu’on vienne seulement noter si quelque chose a fini par pousser de lui. Il aimerait voir ce qui serait capable de pousser de sa carcasse. Cependant, il n’y a que les pensées d’enfants qui prospèrent dans le présent. Lion a simplement pris par le pan de chemise, le premier ami croisé. Lion s’est accroché à Idylle, statue des verges d’Hellébore. Oui, l’autre a sans doute été sculpté dans le plus beau marbre : on y repère avec difficulté les marques des outils utilisés.
Idylle, Idylle, viens me prêter l’aide que tu possèdes.
Il se pend à son regard, les doigts qui remontent peu à peu dans le coton pour mieux l’emprisonner. L’autre n’a pas besoin de ça pour être transformé en complice, il sait. Idylle ne connaît pas la négation ou bien Lion n’a jamais été objet de celle-ci. Idylle s’est habitué à ses bouquets de mots, les accents changeants.
Et puis prendre sa main, l’emmener loin, s’enfuir, oublier qu’il existe aussi l’intérieur des pierres, oublier la notion de maison et toujours vivre en enfant sauvage. Et puis ne jamais attendre qu’on accepte, se contenter de demander et voir ce qui se passera ensuite. Oui, Lion a apporté Idylle là où est censé dormir le plus grand des dormeurs, ce qu’on appelle un fantôme, une entité qui surgit parfois des ombres animés. Lion y croit peut-être, de la forme la plus pure qui soit. Lion n’imagine pas réellement les spectres et les formes lumineuses – seulement les vers luisants et parfois, le blanc des pétales se reflétant à la lune -. Lion y voit encore quelque chose qui s’accroche, ne pas mourir, ne pas succomber à la dernière danse, vouloir chanter jusqu’à ce que l’éternité réussisse seulement à nous étouffer. Mais ce n’est pas ce qu’il cherche en venant ici.
Il n’y a que la prétention de soulager ce qui se fane, que l’envie de vouloir sauver ce qui peut l’être encore. Alors, Lion lâche la paume froide d’Idylle, un dernier regard.
Il faudrait que tout revienne comme avant.
Il ne parle pas vraiment, d’enlever les racines qui bordent l’endroit, car Lion n’aime que la nature, que les pierres recouvertes d’écume sauvage, que lorsque le lichen vient aimer les troncs les plus noués. Idylle, il le sait, saura arranger les choses mieux que lui. Idylle sait comment organiser les classeurs et les notes prises en cours, comment surligner en jaune ce qui est le plus important – puis oublier ensuite. Idylle sait comment il faut s’habiller, sait quelles teintes savent si bien se marier, fonder la plus belle famille. Et Lion, lui, sait comment faire revenir d’entre les mots, les plantes qui peuvent l’être, changer la terre, changer l’eau, chanter ce qui doit l’être.
L’enfant s’accroupit devant la pierre, y pose ses doigts. L’enfant constate les dégâts. Ne l’intéresse lui, que ce qui est végétal. Il faudrait y mettre les mains pour enlever la terre et les débris du passé. Il collecte ce qui peut l’être : il garde au fond des poches ce qui peut être séché entre deux papiers. Il écarte les pots qu’il faudra changer, les nouvelles tombes à creuser pour les plus belles fleurs oubliées. Et déjà, se retourner vers Idylle pour avouer :
Dis-moi comment faire tout le reste.
Idylle repeindrait sans doute les plus beaux bâtiments d’une autre couleur, laisserait sa marque et puis soufflerais les dernières paillettes qu’on en trouve nul part ailleurs qu’entre ses paumes. Lion saurait seulement sauver les plantes, sauver les fleurs sans se soucier de ce que pourrait penser l’homme qui ne possède que les samedis sans jamais s’y inviter.
(( Hey
I saw the Sun ))
// flowers everywhere