Parfois, les arbres ébauchent un curieux ballet
Imitent mon petit corps bercé par le vent
Et le lierre murmure des mots familiers
Pose sur la vie un regard d'enfant
Il noue à son poignet des fractions de lœss et de flore nattée. Lion y pense. Lion peut y revoir l'herbe docile et les larmes roulant sur ses joues, sillage d'enfant. Lion y revoit la silhouette coupée dans le lointain, tout ira bien. C'est bien plus pourtant, quelque chose à saisir de ses petites mains, quelque chose à vouloir posséder et à jamais s'en vouloir de le penser. Les plus beaux oiseaux chantent mieux lorsqu'il n'y a aucune cage pour presser leurs cages thoraciques, les plus beaux oiseaux finissent toujours par s'envoler. Enfant, ici, il y a trois ans, qu'en pense-t-il vraiment ? Balthazar n'a pas encore tous les vocables pour exprimer aux plus belles epiphyllums ce qu'on insinue là. Lion sait que ce sont des choses qu'on ne demande pas. Et quand il saura, il hésitera.
Alors, on s'arrête. On laisse passer l'air, la tempête qu'on n'entend pas. Lion ne sait pas encore exprimer avec le corps si ce n'est pas pour valser. Lion ne sait pas faire aussi bien que l'ange à l'auréole sauvage. Il sait pourtant, joindre ses doigts aux siens, saisir l'invitation avec sincérité, toujours avec des grimaces de joie certaine. Il faut lier les deux regards, maintenir la rencontre quand il n'entend plus que le néant pour y associer les plus beaux silences. Pourquoi les amants ferment-ils les yeux, ne serait-ce qu'une fois ? Pourquoi laissent-ils leurs prunelles se fuir dans des étreintes désirées ? Lion le sait. C'est qu'on ouvre si facilement les paumes, qu'on repousse facilement les siennes pour s'aventurer plus loin. C'est qu'il y a du beau quand on laisse soudain s'enfuir ce dont on est sûr pour le troquer le tout contre toi plus près de moi. C'est qu'il noue à son cœur un peu plus que les tresses enfantines, l'eau du diable renversée pour qu'il tente de saisir le plus beau. Lion sans doute peut y trouver le plus beau des enchantements pour sa majesté et plus tard toujours se demander s'il y a succombé à son tour sans vouloir rien n'en étouffer. Lion passe ses mains derrière le dos des aurores. Lion laisse passer les parfums du lys, la royauté et les étoiles à son nez. Il accroche encore ses doigts à la cape qui aurait pu le dissimuler auparavant, si vite oubliée. Il laisse filer un rire de plus, pris à la toile pour être dévoré. Le son dévale avant de se faire oublier par les tambours du fond d'une poitrine qui n'est pas la sienne. Et voilà pourquoi, ils ferment les yeux plus d'une fois. Qu'adviendra-t-il lorsque seule la chair restera ?
Voilà, c'est fini, il restera là jusqu'à ce que tout s'écroule. Voilà, c'est fini, il n'existe plus que le refuge des lilas perçants la poitrine, des tournesols longeant le mur de ta maison à toi. Toujours, un peu plus serrer ce dont il réussit à s'emparer pour oublier. La gêne n'existe pas, pas encore ou peut être jamais. Toujours, plus d'un instant, se demander ce qui pourrait être plus proche de ça. Lion décide d'en faire une chanson. Lion décide que ça sera comme ça et qu'il passera de nouveau été avec des notes griffonnées en pensant au silène penché pour tenter d'apercevoir les fleurs en pleine éclosion, juste une fois.
Balthazar laisse pousser doucement ce qui ne devrait pas.
Avec plus que douceur, il rapproche son corps. On ne peut véritablement saisir ce qui se passe à l'intérieur des plus belles silhouettes. Un instant, il relève la tête, réfléchir à ce qui décrirait l'autre maintenant, y penser encore plus tard, toujours y penser plus tard (et même dans l'instant). Les chérubins s'en mêleront. Si le temps passe, il faudra le saisir avec autant d'amour qu'à présent.
Moi aussi...
Moi aussi, j'aurais voulu venir te chercher quand tu n'étais pas là.
Mais c'est trop tard et il n'est pas celui-là, ne sera jamais celui-là. Autant être quelqu'un d'autre. Mais qui voudrait être Lion et qui Lion voudrait-il être ?
Moi aussi, je pourrais venir te chercher quand ça n'ira pas.
Lion ne cessera jamais d'être là, toujours là, d'appeler son nom quand le son sera devenu connu de tous (juste à lui ici), toujours, laisser porter sa voix pour qu'il se retourne juste pour lui. C'est qu'il connaît le début d'égoïsme dont il n'avait jamais entendu les vibrations jusque-là. C'est qu'en desserrant un peu l'emprise, il a du mal à se défaire à nouveau de ce qu'il voit et de ce qu'il peut saisir autrement que comme ça. L'innocence brisée, reconstruite en autre chose qu'on ne chante pas.
Je suis sûr que ça sera comme ça.
Cette fois s'enfuir pour retourner là où il était avant de donner ses premières réponses si maladroites. Lion pose le menton sur une poitrine qui n'est pas sienne, entre deux bras pour cadrer les admirations qui se manifestent. Lion tente de ne pas y mettre du plus compliqué quand l'instant surgit à nouveau et qu'on emporte son pouls à lui – que quelqu'un vienne le sauver. Lion soupire aussi, expirer l'air qui comprime les organes et tout transformer en éclat cristallin. Oui, vénérer un instant, l'étrange beauté et le mystique, les sorcières penchées pour concocter les philtres de désir, vénérer la mâchoire qu'il voit et la chevelure qu'il pourra caresser s'il n'avait pas presque peur de relâcher l'emprise. Et puis, oui, fuir, décamper comme ça. Les yeux qui se perdent à nouveau entre l'aisselle et la le buste, les fermer avec fermeté pour penser juste à la tiédeur d'un corps qu'on ne tentera pas de chérir avant longtemps.
(( Something's in the air
It gets me every time
The look that's in your eyes
Is so ...
so ... ))
// SUNFLOWER HOUSE