i love you bro ☽ maxime

Si un jour quelqu’un avait soufflé à Max l’idée d’un rendez-vous galant, aussi faux soit-il, elle n’y aurait pas cru, aurait ri et serait parti pour ne plus entendre ces grossières bêtises. Le concept de simulation ne lui plaisait guère et les rendez-vous en tête à tête avait une signification presque sacrée, biblique. C’était comme se moquer, banaliser, vulgariser les sentiments et le sens de l’acte. Mais c’était pourtant ce qui se passerait ce soir, avec Tristan. Ça passerait, ça irait, c’était Tristan. Ironique d’inviter son colocataire, malgré toute la sympathie qu’elle ressentait pour lui, et non pas la personne dont elle était amoureuse transie. Ce n’était malheureusement pas réciproque, de toute évidence, et Cupidon la maudissait probablement de ne même pas essayer, d’esquiver autant ses flèches de passion et de pulsion.

Ce n’était pas bien grave, pas grave de se mentir à soi-même.

Pour jouer la comédie jusqu’au bout, il lui faudrait une tenue, quelque chose d’élégant, pas trop sexy, convenable. Mais entre les jeans, les shorts et les survêts, le placard de Max laisse franchement à désirer. Pourtant, au fond de son capharnaüm, délaissé et négligé, une robe d’un noir déteint et terne, quoiqu’un peu moulante, se meurt. Hors de question de porter des talons pour Tristan, il se contentera de contempler ses belles jambes et au bout, des converses rouges aux entrailles presque visibles. Les grands fashions de la haute sphère applaudissent ce parti pris provocateur.

Y aller les mains vides lui semble bizarre, alors sur le chemin, dans le parc, arrache-t-elle une rose blanche a la robe aussi froissée que la sienne et s’envole, le pas léger, vers Agrabahb. Que la vie est belle avec des baskets ! Mais Tristan est en retard. Ça ne la surprend même pas, ce garçon n’est pas fichu de se doter d’une montre. L’idée d’un cadeau de Noël lui vient. Tristan est en retard et bon sang, ce qu’elle aimerait s’asseoir a même le sol, comme ces voyous qui se fichent des colonies de bactéries qui pullulent et qui prennent des poses exagérément thug. Tristan est en retard, et elle attend, le dos droit comme un I, sa tension grimpant dangereusement. S’il ne vient pas…mais la fin de sa menace disparaît lorsque sa voix trop grave retentit dans un français impeccable.

Mon damoiseau, que vous êtes élégant ! s’exclame-t-elle, l’air ravi. En faisait-elle trop ? Assurément et il lui est bien difficile de ne pas rire à gorge déployée, se mord-t-elle l’intérieur des joues pour se taire. Lui aussi a fait l’effort de jouer le jeu. Ils seraient presque trop beaux pour l’occasion, si son jean noir ne s’accordait pas aussi bien avec les converses détruites qu’elle portait actuellement.

Cette rose est pour vous, puissiez-vous ainsi comprendre l'étendue de mes sentiments pour vous.

Dans un geste qui se veut gracieux et magistral, elle la lui tend, les cils lourds de séduction. Ah ! Immonde, immonde ! Pardon, pauvre petit cœur aux sentiments refoulés, c’est une trahison, une parjure! qu’elle commet là.

Mais je vois que non seulement vous arrivez en retard, mais aussi que vous ne m'avez rien apporté.

C’est décevant, sincèrement, elle qui s’est pris une écharde dans le doigt pour cette rose flétrie pour lui avouer son amour sans frontière. C’est honteux. Saisissant ce bras si gentiment offert, elle lance les paris. Qui d’eux deux craquera en premier et se laissera prendre par un fou rire ? Pas elle, pas elle par pitié, les niaiseries infectes la dégoûtent et lui ouvre les poumons.

J'espère que le dîner auquel vous me conviez sera à la hauteur ou que vous êtes un fin poète car sinon…

Sinon il ne serait jamais à la hauteur des espérances de Jemma, qui s’élevait ridiculement haut dans le ciel. L’intérieur du snack est, par chance, vide. L’arome de viande qui a imprégné les lieux lui donne l’eau à la bouche. Aladin ne semble même pas impressionné par leurs dégaines, probablement habituées à l’école de fou située non loin de là.

Et si nous prenions un, non, deux menus ? Le menu végétarien et celui à la viande d'agneau.

Il peut bien faire cela pour sa demoiselle, se ruiner lourdement pour oser espérer réparer ses fatales erreurs. Ou ne serait-ce que pour apprécier les repas qu’Aladin prépare avec amour et patience. Maxime serait capable de les engloutir tous les deux, sans même s’excuser auprès de Tristan.

Quelle sauce, très cher ?

Le point de discorde de tous les couples, l’épreuve des titans, celle qui le solidifie ou le détruit à jamais. Mayonnaise, ketchup ou sauce Biggy ?