Dessine moi une grenouille
Doucement, doucement, l'année commence à Hellébore, Alicia peut voir ces dernières semaines les nouveaux venu installer leurs affaires et découvrir les lieux. Cela fait beaucoup d'agitation, beaucoup de va, de viens, de ci, de là. Alicia n'aime pas trop cela alors elle profite de ses journées encore vides, de sa rentrée tardive de sixième année pour profiter de la solitude et du calme du bosquet pendant encore un temps. Ses camarades passent le plus clair de leur temps à décuver de leurs dernières soirées, soutenir leur filleule ou s'occuper amoureusement des animaux du dortoir, elle n'a la tête à rien de cela.
Coraline profite gaiement de l'eau de l'étang cachée de la forêt pendant que sa partenaire reste confortablement adossée à un arbre, son éternel carnet ouvert et la plume à la main. Le croassement incessant des habitants du lieu sont musique aux oreilles d'Alicia alors que la kokoï bleutée se joint à la chorale, le tout rythme les mouvements réguliers de la main de l'homoncule qui ne fait que griffonner des croquis amphibiens dans l'attente de l'inspiration. Peut-être s'attend-t-elle à voir une nymphe franchir le voile de l'eau et que la patience l'accompagne pour pouvoir en saisir quelques traits ?
Elle ne sait pas vraiment, elle soupire. Les traits deviennent commun, le mouvement de la plume mécanique, les chiffres commencent à défiler dans son esprit. Le décompte s'adresse aux grenouilles et tente de percer à jour les effectifs du chœur de l'étang, probablement en vain. Elle sait bien que cette année, comme les précédentes, sera dès plus agréables, seulement l'attente de voir le cycle entrer en mouvement est toujours douloureux pour Alicia.
La période d'été, qui permet à chaque étudiant de retourner chez soit n'est jamais bien agréable, ses années à Hellébore l'ont grandie et lui ont enseigné bon nombre de leçon sur les rapports humains. Elle sait désormais, que rester sans nouvelle de son père, sans appel de sa part, sans ordre de revenir au domaine pour cette période estivale, n'est pas signe de l'amour qu'elle serait en droit d'attendre. Elle préfère donc noyer ses journées dans les croquis et avec les animaux du dortoir des champignon, mais lorsque arrive septembre un vent glacial étreint son cœur, un vent de regret de ne pas avoir été appelé comme ses camarades.
Heureusement bientôt ce vent serait balayé par la tempête de la rentrée et pour le moment elle s'en abrite adosser à un arbre, bercée par la chorale de l'étang et les chiffres qui défilent.