empérament solaire, médiocrité scolaire, piètre juge de caractère, Sol espère véhiculer l’impression qu’elle tient les rennes de son existence d’une main ferme et décidée. La vérité: elle est aussi désemparée face à son avenir qu’un nouveau-né. C’est un oiseau de moyen augure, un martinet refusant de se poser, qui ne détonne du corps étudiant et du régiment rose ni par ses notes, ni par excès d’exubérance, ni par sa taille - petite - et certainement pas par sa fiabilité.

Passée maître dans l’art subtil des faux bonds et rendez-vous manqués, vous pouvez compter sur elle autant que sur l’imprimante antédiluvienne et défectueuse de vos aïeuls. Ce curieux mélange de hardiesse, d’introspections à voix haute - à qui veut les entendre - et de turbulence risque à tout moment de froisser les affects d’autrui par son impatience et son empressement à fuir comme la peste les conflits et règlements de compte. Sol est plus à même d’ignorer la rancœur latente que vous pouvez éprouver à son égard, et à se comporter avec vous comme tous les jours de l’année, que de se formaliser de votre mine hostile.

Savoir dire non est un axiome étranger à Sol, qui sourit à toutes les aubaines, aussi tirées par les cheveux soient-elles. Point bonus si elles exigent d’enfreindre le couvre-feu et de s’enfoncer dans la forêt jusqu’à un point de non-retour. Sol a l’appétit plus grand que sa capacité mentale et physique: elle surestime éhontément son aptitude au multitasking et n’en est pas même désolée.  En fait, Sol accepte tant d’engagements, de sorties, d’adhérence à des clubs et des cours, qu’il faudrait à l’être humain le don d’être présent à mille endroits simultanément pour satisfaire toute son avidité d’occupations. En attendant que ce saint jour advienne, Sol doit se contenter de se décevoir elle-même et quantité d’autres personnes lorsqu’elle tire finalement un trait sur la multitude d’obligations qu’elle ne peut remplir.

Curieusement, c’est dans les moments de stress ardent que Sol brille le plus d’ingéniosité et d’imagination pour que ses devoirs remplissent le minimum requis, voire qu'ils sortent du lot dans quelques rares occasions. Autrement, elle éprouve de fréquentes difficultés de concentration. Légèrement dyslexique, elle fait régulièrement des fautes d’anglais et peine à finir ses phrases. Elle préfère donc aux mots les gestes pour exprimer ses émotions. Pétrie de convictions mais pas d’éloquence, elle prêche souvent dans le désert. Elle s’évertue à ne pas s’en formaliser, et persévère dans ses efforts de contagion par sa motivation et les causes qui lui tiennent à cœur. La levée du couvre-feu ou la défense des nains de jardin pour n’en citer que deux.

C’est un animal sociable qui survit néanmoins très bien en autonomie. Atteinte d’une forte propension à tout plaquer pour disparaître en randonnée solitaire, Sol ressent souvent un besoin incoercible de grands bols d’air frais. Et gare à vous si vous avez le malheur de vous trouver sur son chemin dans ces instants de bouillonnement aventurier. Ne vous fiez pas à sa petite taille: ses vicieuses béquilles dans votre épaule auront raison de votre entêtement. Elle chasse la routine, son plus grand casus belli, à violents coups de pied dans le derrière.

Aussi désarmée et nue qu’un oisillon fraîchement éclot face aux vicissitudes de la vie et autres sources d’embarras, elle devient écarlate et bredouille des excuses, des aveux ou des remontrances peu convaincantes et espère que vous saurez faire preuve d’autant de clémence qu’elle envers les personnes qui lui causent du tort ou lui confient leurs sentiments.

lus proche de sa grand-mère que de ses parents, Sol a passé le plus clair de son enfance dans la charmante maison de son aïeule à Reykjavik, en compagnie de ses deux sœurs (dont elle est l’ainée), et de quelques cousins. La maison d' "Amma", toute de couleurs peinturlurée, hurlait plus fort que le terrible vent nordique.Toute cette joyeuse marmaille se rendait ensemble à l’école puis au pensionnat, en grande partie parce que leurs géniteurs vivaient dans les plus isolés des hameaux d’Islande et ne pouvaient pas leur assurer une éducation à domicile. Sol a donc plus d’affinités avec son Amma qu’avec son père ou sa mère. Il n’y a certes aucune hostilité entre la sororité Olavsdóttir et leurs parents, mais une sorte de distance s’est installée, et la jeune islandaise reçoit et écrit plus de cartes postales à sa grand-mère - qui profite aujourd’hui d’une retraite amplement méritée en tant qu’aventurière et voyageuse invétérée - qu’à ses parents.

Avant de rejoindre l’Irlande pour étudier à Hellébore, Sol n’avait jamais mis les pieds hors d’Islande. Ces quelques milliers de kilomètres ont suffi à lui donner le goût de l’ailleurs et, plutôt que de rentrer sur sa terre natale pendant les vacances, elle préfère parcourir l’Europe de long en large avec les plus ambulants de ses amis. Elle espère pousser un peu plus loin - en Afrique ou en Asie mineure - lors du prochain congé.

La famille Olavsdóttir n’a jamais été exempte de secrets: un grand-père disparu lors d’une exploration à la recherche d'oiseaux polaires, présumément mort d’une chute de falaise, de vieux manuscrits aux inscriptions occultes et illisibles, des guéridons déplacés à toute allure par magnétisme lors de soirées éclairées à la bougie. Tout cela a vite suffi à mettre la puce à l’oreille de Sol et de ses sœurs. Et il faut dire qu’Amma ne faisait pas trop d’efforts pour dissimuler ses dons plus qu’ordinaires. Alors quand celle-ci rempota pour l’énième fois une plante avec la seule force de son esprit sous les yeux ébahis de Sol, celle-ci passa des nuits entières à essayer de l’imiter jusqu’à finalement réussir, non sans peine. Ambrose ne tarda pas à faire son apparition, faisant preuve de son calme légendaire face à l’assaut de questions de Sol, et à l’inviter à rejoindre les rangs d’Hellébore. Celle-ci ne se fit pas prier et se trouva donc bientôt, à l’âge de treize ans, à parcourir couloirs et combles de l’école magique et à s’échiner sur les devoirs et le retard qu’elle devait rattraper. Une de ses sœurs finit elle aussi par la rejoindre, plus douée et dédiée qu’elle, d’ailleurs.

Ayant grandi dans une famille nombreuse et plutôt modeste, Sol a l'habitude des petits jobs: quand elle ne voyage pas elle travaille pour payer ses excursions. Sol se plaît à Hellébore, mais a hâte d’achever ses études - avec plus ou moins d'éclat. L’échéance approche et elle hésite entre poursuivre deux années supplémentaires à Hellébore pour mener une recherche sur les manifestations magiques dans les pays nordiques telles que les aurores polaires, ou claquer la porte et semer ses affaires aux quatre coins du monde.