Bury a friend — Billy le brigand

Il n’était jamais en retard à ses cours, Billy. C’est d’ailleurs pour cela qu’il arrivait à tenir le programme avec une précision pareille. Un poil perfectionniste dans l’âme, sans aucun doute.

Présentement, cependant, il se rendait jusqu’à la salle des professeurs pour récupérer un document dont il avait besoin pour sa prochaine session d’enseignements, trente minutes plus tard.

Oh, il avait largement le temps, mais il pressait tout de même le pas, le Billy. Parce que plus tôt il aurait ce papelard et plus vite il pourrait s’imaginer mille et un scénarios pour rendre le cours ENCORE PLUS passionnant qu’il ne l’était déjà à la toute base. Parce qu’il était comme ça, Billy. Il voulait intéresser ses élèves, pas seulement leur bourrer le crâne.

Malheureusement, il ne fit pas attention à l’angle d’un couloir et… BOUM. « OUTCH ! » Voici qu’il s’étala de tout son long contre une tierce personne qui venait de le bousculer lui. Billy ne réalisa pourtant pas immédiatement de qui il était question, trop occupé à ne pas choir de tout son point sur l’incriminé.e.

Et quelle surprise de voir ladite personne s’enfuir – ENCORE – et se dégager pour mieux aller chercher ses petits papiers. Oh, d’accord, on en était là. Soit. Billy se redressa et épousseta ses vêtements pour la forme avant d’enchainer une réplique bien de chez lui. « Eh oui, Garaté, c’est moi. Enfin, je devrais plutôt dire ce n’est QUE moi, plutôt, non ? » Question rhétorique, il s’était déjà fais sa propre opinion du sujet. « De toute manière je ne vois pas en quoi ça t’intéresse puisque tes chers papiers ont plus de valeur à tes yeux qu’une vie. Enfin, quand tu ne t’incrustes pas dans un club de thé juste pour faire le voyeur, bien sûr. »

C’était peu ou prou ce qu’il avait entendu dans un bruit de couloir et comme Billy n’était pas d’humeur allégée, il avait juste pris ce qu’il l’intéressait pour le lancer dans la tête de Gareth. Tout simplement.

« Aussi gratuit de ton abandon, on va dire que c’est de bonne guerre, teh ! » Ca, c’était ce que Billy aurait voulu répondre à son ex-meilleur ami, bro de la life et de ses nuits. Mais il n’en eut tout simplement pas le temps car Gareth poursuivit son petit manège de monsieur précieux. C’avait le don d’agacer Billy plus que nécessaire. Gareth le savait pourquoi, comment réfléchissait le Oxberg. Mais il semblait déterminer à le renvoyer dans ses retranchements encore et encore. A croire qu’il ne le connaissait pas.

Connaissait plus.

Sans doute était-ce un peu vrai, dans le fond. Mais Billy étant Billy – forcément -, il n’était pas décidé à lâcher le morceau. Il avait du temps, ça tombait bien. Finalement l’extension servirait à pourrir Gareth un peu plus. C’est qu’il n’avait pas arrêté de le faire depuis le retour penaud de ce dernier, deux ans auparavant.

Non mais allô, le mec se barre sans un mot ni une explication et Billy aurait dû l’accueillir à bras ouverts ? Et puis quoi encore. Il se pince l’arête du nez alors qu’il raffermit dans le même temps sa prise sur le foutu papier du secrétaire, venu se foutre juste sous sa semelle. Oopsie. « Te chamailler ? Étrange je pensais que les chamailleries, ça ne se faisait qu’entre amis ; hors tu semble avoir rayer cette mention de ton vocabulaire il y a un moment, maintenant. » Si les yeux pouvait lancer des éclairs, alors Gareth se serait retrouvé foudroyé par l’unique œil de Billy.

Sans autre forme de procès. Et il attendait de voir si l’autre allait se plier à l’exercice de l’agacement pour essayer de récupérer son papelard sans déchirer ce dernier. Même comme ça, Billy arrivait à trouver un truc pour se marrer. Aux dépends d’une autre personne, certes mais… C’était toujours ça de gagné.

Ca l’agace. Ca l’agace parce que Gareth ne le confronte même pas. Il fuit, il élude par des conseils nauséabonds et hors de propos. Il connait Gareth, pourtant. Il ne l’a pas trahi, lui. Il sait bien que celui qui fut autrefois son ami si précieux n’ira jamais au contact. Jamais pour personne, pas même pour lui.

Mais il pensait qu’il aurait pu faire partie des exceptions, Billy. Eh bah même pas. Ca ne fait que confirmer ses pensées, confiner le petit espoir qu’il ne sentait même plus battre sous sa peau loin, très loin au fond de son cœur endolori. Ainsi est le Billy. Et lorsque le poméranien se jette sur la jambe de son pantalon, Billy recule et laisse donc le secrétaire s’emparer du précieux Graal de pacotille.

Mais il n’a pas eut mal, il n’a même pas senti les dents de la petite créature. Il a toujours apprécié Ponpon, Billy, parce que lui au moins il ne se laisse pas marcher dessus – enfin, au sens figuré du terme. Non parce que présentement, c’est plus la pensée d’en faire une brosse à entretien du cuir qui traverse l’esprit du Oxberg et quitte cet endroit aussi vite qu’elle était arrivée. Non, jamais l’écossais ne ferait de mal à un animal, fut-ce-t-il celui d’une personne qu’il méprise ardemment, à défaut de pouvoir l’aimer davantage.

Mais la haine n’est-elle pas forme biaisée de l’amour ? C’était un débat bien trop profond pour être abordé maintenant ? Ni lui ni Gareth n’avait du temps maintenant.

Sauf qu’il ne peut s’empêcher de grincer des dents, Billy. Alors il crache un peu son venin comme on cracherait le noyau d’une cerise négligemment. Gareth ne mérite pas plus d’égard à ses yeux. A son œil, plutôt. «Et toi tu devrais arrêter de vouloir donner des conseils de la sorte. Qui plus est quand tu as été foutrement incorrect avec ladite personne. » Il souffle bruyamment et va pour faire un pas vers la suite du couloir. « La prochaine fois j’t’arrache la tête. »

Sans doute trop loin dans la blessure mais pas assez dans l’amertume.