Il y a des jours où je n'ai pas envie de sortir du dortoir. En ce dimanche, j'avais de la chance, il n'y avait personne dans le salon commun. J'aimais bien quand il n'y avait personne le dimanche. Grand Frère était parti avec des amis, comme beaucoup de dimanches. Moi je pouvais jouer avec des amis, mais aujourd'hui j'étais seule. Et je voulais chanter.
Mais où chanter ?
Il n'y avait certes personne dans le salon commun, mais je ne voulais pas me mettre sur le canapé pour chanter, si quelqu'un entrait sans que je ne le voie, ou que je ne l'entende, il me verrait chanter. Et je n'osais pas encore chanter en public. J'avais peur du regard des autres quand je chantais.
Aussi je m'installais dans un coin, au bord d'une fenêtre, cachée derrière une plante. C'était là qu'on me verrait le moins. Je vérifiais une dernière fois, il n'y avait personne. Je n'avais pas de musique avec moi, donc je chantais a cappella, mais ça ne me gênait pas.
Ce que j'aimais le plus chanter, c'était les berceuses, parfois même je m'endormais après, mais là, je savais que j'avais bien dormi la nuit d'avant, et que je n'étais pas fatiguée, donc peu de chance que je m'endorme.
Je reprenais souvent les chansons que ma mère me chantait quand Grand Frère était parti, avant que je ne rejoigne à mon tour cette école. Là c'était une chanson qu'elle me chantait le soir, pour dormir. J'aimais beaucoup cette chanson. Aussi ce fut la première qui me vint à l'esprit pour chanter.
Ma voix se posa tranquillement sur les paroles, et je fermais les yeux, assise à même le sol, et le dos collé sur le pot de la plante. J'en oubliais ce qui se passait autour de moi. Comme à chaque fois. Un jour j'aurais peut être le courage de chanter devant quelqu'un, même devant Grand Frère. J'avais du mal à chanter même devant lui, alors que j'avais une entière confiance en lui.
(La chanson, à imaginer sans la musique et avec une voix plus enfantine.)
« … Loo-li, lai-lay … »
Je terminais ma chanson sans réaliser que quelqu'un avait pu entrer dans le salon commun.