Tu frissonnes, à chaque fois que son souffle effleure ton epiderme. A chaque fois que tu réalises qu'elle est assez proche pour ça. Assez proche pour que tu puisses t'emparer à nouveau de ses lèvres qui te manquent déjà affreusement. Leur teinte rosée qui t'obscède pendant que tu attends sa réaction. Et tu te demandes si elle a remarqué la façon dont tu les dévores du regard, quand elle vient poser ses doigts sur ta bouche.
Tu rates le début de sa confession, perdu dans la constatation de l'érotisme de chacun de ses mouvements. Mais la tentation de mordiller le bout de ses phalanges, de baiser sa main avec passion tout comme la recherche d'une citation à lui susurrer avant de céder, tout s'arrête quand le premier "j'aime" parvient jusqu'à tes oreilles. Tant pis pour Othello, Acte V, Scène 2. D'ici le moment où elle terminera sa tirade, Robin, tu auras oublié la tienne. Et bien plus encore.
Tu n'es pas certain d'arriver à assimiler toutes ses phrases. Tu n'es pas certain de toutes les avoir entendues, avant que ton cerveau s'arrête de fonctionner, débordé par cette déclaration innatendues. Tu étais si certain, pourtant, si certain qu'elle pincerait ses lèvres avec un sourire tendu, que ses iris fuiraient ton regard avec une once de culpabilité avant d'hocher la tête en remerciement pour le temps que tu lui accordais. Si certain que tes lèvres s'arqueraient avec compassion, pendant que ton coeur s'écraserait douloreusement dans ta poitrine. Que tu n'aurais qu'à lui tendre la main pendant que tu te hissais sur tes pieds engourdis, lui proposant d'entamer le chemin du retour.
Mais elle avait parlé. Elle avait enchainé les surprises, destabilisant toutes tes attentes. Balayant tes doutes. Un raz de marée emportant avec lui incertitude, peurs, et cette frustration dévorante qui te rongeait un peu plus tôt. Mais aussi toute forme de pensée constructive, te laissant tel une coquille remplie d'émotions brutes.
La respiration houleuse, le coeur pompant de toute ses forces, les veines remplies de cette sensation inconnue que tu sentais se répendre dans chaque centimètre carré de ton corps. L'oxygène qui brûlait tes poumon à chaque inspiration. Le feu qui incendiait ta chaire boillonante. Il y a trop de choses qui se bouscule, pour que tu ais le temps de réagir, quand son pouce glisse jusqu'à ton cou. Juste le temps pour tes poils de se hérisser avant qu'elle ne t'embrasse enfin.
Et t'as envie de reprendre chacun de tes mots. Envie d'annuler tes belles paroles. Envie de lui dire que tu ne peux pas attendre une seconde de plus, que c'est maintenant ou jamais. Que tu as besoin de sentir son corps contre le tiens. D'écraser ses hanches contre les tiennes. De sentir sa peau sous tes ongles la suppliant d'entendre sa voix gémissante sous tes caresses.
Mais tu ne fais rien. Tu restes planté là, les yeux dans le vide encore quelques secondes après qu'elle ait décliné ton nom complet. Le temps de revenir à la réalité, parce que ses paroles ne pouvaient définitivement pas en faire partie.
Et quand tu remet enfin les pieds sur Terre, Robin, c'est pour prendre tes distances avec l'élue de ton coeur. C'est quoi, trente centimètres qui vous séparent? Et pourtant tu hais déjà de ne plus sentir la propagation de sa chaleur t'atteindre. C'est pour ton bien pourtant. Parce que tu ne peux même pas la regarder, à l'heure actuelle. Parce que tu dois cacher ton visage derrière tes doigts, faire le vide, pour retrouver un peu de ton humanité. Pour trouver les mots. Mais rien ne vient. Rien d'autre que les siens, qui jouent en boucle, comme si c'était la seule chose qui comptait. Et tu te mets à rire, Robin. A rire sincèrement, parce qu'il n'y a rien d'autre que tu peux faire à ce moment précis. Parce que t'es ridicule. Parce que l'euphorie ne te permet pas autre chose.
C'est pas juste...Finis-tu par articuler entre deux hoquets hilares, qui s'estompent peu à peu en un sourire mélancolique.
C'est pas juste, que tu fasses tout tellement mieux. Que t'arrives à formuler ça avec tellement d'aisance, quand je croyais que c'était moi, le plus sentimental de nous deux. Que ta déclaration soit tellement plus belle. Que tu sois tellement plus jolie. Plus élégante. Plus audacieuse. Plus intelligente. Plus courageuse. Plus créative. Plus sociale. Plus populaire. Plus douce. Plus authentique. Plus parfaite, vraiment. Tu pourrais continuer des heures, Robin. A nommer ces choses que tu envies, chez elle, sans pour autant ressentir ce putain de besoin de les écraser qui te terrorise quand tu te compare à n'importe qui d'autre. Mais t'as besoin de ta bouche pour autre chose, que t'éterniser en bavardage. Et de la sienne, encore une fois, pour tenter de calmer l'incontrôlabe désir qui t'anime.
Je t'aime.I am one who loved not wisely but too well.
==END==