[fb] comme un poisson dans l'eau (non) ((percy))

le lac est bien joli, chatoyant sous les reflets du soleil, et les rires résonnent, résonnent et résonnent dans l'air chaud de l'été. mais orion, lui, trempé jusqu'aux os, est loin de rigoler, à fixer l'étendue d'eau troublée par une armée entière de gamins surexcités à l'idée de profiter d'une bataille d'eau de grande échelle. ironique de constater que c'est sa maison qui organise cette fête, et lui, en excellent représentant des sureaux, avait passé les éditions des années précédentes terré dans le fin fond de son dortoir, très loin du brouhaha, pour éviter de se mêler à tout cela.

on peut donc dire que oui, le lac est bien joli, à partir du rivage, et surtout, bien au s e c. sauf que cela ne semblait pas faire parti du plan de percy, quand il l'avait entraîné vers cet endroit maudit — si guilleret qu'il n'avait pas osé exprimer sa réticence, se laissant éclabousser, au passage, par les autres étudiants fêtant lammas sans trop sourciller. parce que c'était bien pour lui, qu'il avait troqué son uniforme pour un simple t-shirt et des shorts, les orteils désormais trop près du bord, à son humble avis. le sourire mal assuré qui avait flotté sur ses lèvres jusqu'à présent s'était évaporé, remplacé par une mine soucieuse à l'idée de faire trempette — certes loin de l'agitation, plutôt mourir que de se mêler à eux quand il n'est pas du tout en train de vivre sa meilleure vie, mais inquiète malgré tout.

ses yeux se détachent finalement de l'eau, s'orientent vers le jeune homme à ses côtés, tentant vainement de simuler un semblant d'air serein sans grand succès. orion n'a jamais été très doué pour mentir, et au vu de la situation, ses maigres chances de paraître confiant atteignent le zéro absolu.

— percy- pourquoi est-ce qu'on est là, en fait ?
oh, ce n'est pas de l'autre garçon qu'il doute, c'est surtout de lui-même, tout en invectivant son courage qui s'est fait la malle de tous les noms qui lui passent en tête.

la tension s'allège, un peu, quand ses doigts se glissent dans les siens — que sa main, involontairement s'accroche avec un peu plus de force que nécessaire quand il fait un pas en avant. son regard, en un clin d'oeil, tombe sur le lac et malgré lui, son corps se crispe. ça va aller, ça va aller. orion pince les lèvres, inspire un bon coup et l'imite, pose un pied dans l'eau, puis le second, étouffant les inquiétudes que son traître de cerveau se complaît à lui souffler. et quand il lève enfin les yeux vers percy et son sourire, difficile de ne pas faire de même — le coin de ses lèvres s'étire, doucement.

— si je m'écoutais, je n'aurais pas mis, ne serait-ce qu'un orteil dans l'eau. alors...
on resserre sa poigne, une seconde, en écho à ce qu'il venait de faire, assentiment silencieux doublé d'un timide remerciement. contraste flagrant entre son habituel entrain, où il n'aurait aucune réserve à exprimer sa gratitude, bien que penaud.

— je te fais confiance.
et il ne perd pas de temps pour s'avancer, l'entraînant à sa suite sans pouvoir s'empêcher de grimacer quand ses orteils effleurent une pierre recouverte d'algues. ça aussi, c'est un drôle de tableau, alors qu'il est le premier à s'enfoncer dans la forêt pieds nus sans la moindre hésitation. il préférerait cent fois mieux les aiguilles de pins que le fond d'un étang qui s'y croit un peu trop.

orion n'arrête son laborieux périple que lorsque l'eau atteint ses genoux, toujours fermement agrippé à percy et le visage affichant un savant mélange d'horreur et de dégoût.

— percy, il y a un truc qui m'a touché la jambe. je veux mourir.
la situation n'est peut-être pas si dramatique, mais c'est marmonné avec tout le sérieux du monde.

vérifier ? orion n'a pas le temps de protester, ou de le retenir, qu'il brise la surface, plonge la tête sous l'eau. son sang ne fait qu'un tour, lui fait resserrer sa prise par réflexe et il se fait violence pour l'alléger. malgré toute son anxiété, il s'évertue de se rappeler que percy, peut, contrairement à lui, respirer sans problème et qu'il ne court aucun risque de se noyer. de sombrer dans l'étreinte capricieuse d'un courant imprévu, à se débattre contre celui-ci jusqu'à manquer d'air.

— je vois.
je vois, pas besoin de s'inquiéter. alors pourquoi, pour l'amour de dieu, de merlin, et de toutes les entités supérieures, a-t-il l'impression que c'est la fin du monde ? qu'est-ce qu'il abhorre sa faiblesse, son incapacité à relativiser la chose, à se convaincre que ça va, et tout ça, pour un stupide p o i s s o n. sauf qu'il a les genoux mouillés — la main toujours serrée sur celle de percy, et les deux pieds bel et bien dans le lac. c'est bien la première fois depuis bien longtemps, et il le lui fait remarquer chaudement.

— oh- je-
son éloquence lui fait défaut, à ses mots. ils le laissent pantois, quelques secondes, jusqu'à qu'un sourire éclaire finalement son visage, chassant l'orage qui l'occupait jusqu'à présent. il s'incline légèrement, cogne doucement son épaule contre la sienne, à défaut de s'exprimer à voix haute, car il doute fortement de sa capacité à aligner deux mots — il sent la pointe de ses oreilles s'enflammer et ce fait l'embarrasse déjà suffisamment.

et à sa proposition, son expression se fige, l'espace d'un instant, se fait plus soucieuse la seconde d'après, alors que son regard se perd de nouveau dans la contemplation de ses options. il pourrait très bien tourner les talons et retrouver la terre ferme, c'est vrai, mais s'il pouvait continuer de le voir si heureux... ne pouvait-il pas faire un effort supplémentaire ?

c'est infiniment plus tendu qu'il n'aimerait l'être qu'il s'exécute sans un mot, réprimant du mieux qu'il peut le tremblement désagréable qui le traverse quand les vaguelettes causées par ses mouvements lui lapent les côtes. ça va aller, ça va aller. orion touche le fond — les doigts de sa main libre s'enfoncent dans la vase, et percy est là— sa paume est toujours dans la sienne.

— s'il y a encore un truc qui me touche, je hurle.
mais, cette fois-ci, sa voix n'est plus tout à fait lacée d'appréhension, à moitié remplacée par une inflection qui se veut plus légère. après tout, comme il le lui avait dit précédemment, il n'a rien à craindre, pas avec lui à ses côtés.