the moon knows our true selves
Ça brûle la gorge, comme d'habitude. Mais tu a appris à presque apprécier le goût de cette infâme tisane. Amère, toxique. Mais salvatrice. Tu sens déjà la rage s'apaiser dans ton ventre. Croisant le regard de Luka, tu vois qu'il est soulagé lui aussi. Senrhys n'est pas là. Une fois encore, il était parti se cacher pour endurer la souffrance seul. Tu aimerais tellement l'aider.
Ce sont tes lèvres qui brisent le silence en même temps que tu reposes la tasse en argile sur la table de chevet. ▬ Merci encore une fois Hélia, tu prépares cette tisane mieux que tout le monde. Grâce à toi, les élèves peuvent dormir tranquille. Un sourire maladroit étire tes lèvres. Tu te redresses en regardant par la fenêtre, le soleil se couche. Une main se pose délicatement sur l'épaule de Luka, qui sursaute presque. ▬ Je te laisse endurer ça seul ce soir. Tu es fort, tu y arriveras. On se revoit ici demain matin.
Tu déglutis difficilement en fermant la porte du vieux moulin derrière toi. Tu es enfermé. Comme une bête sauvage, un danger pour les autres. Debout au centre de l'unique pièce, la main sur la poitrine, tu calmes ton cœur en panique par de profondes inspirations et de longues expirations. Il se calme. Tu te calme. Le soleil s'endort. Comme à ton habitude, tu prends le soin de te déshabiller et de plier tes vêtements dans un coin. Tu t'allonges sur le sol froid. Les yeux en suspens dans le ciel, en attente de la Lune, ta compagne.
Au bout d'un temps, ses premières lueurs pointent. Ton corps se met à trembler. ▬ Ça commence. Dis-tu à Azad, qui s'envole loin de toi.
Tu sens les muscles qui se déplacent, les os qui s'allongent et le cartilage qui se déforme. Ça tire, ça brûle, ça pique, ça se brise et se reconstruit en toi. La mâchoire qui se disloque et se transforme en gueule sanguinaire. Les griffes qui percent le bout des doigts et tu tombes à genoux en gémissant. Et puis c'est comme des fourmis, une démangeaison sur tout le corps. La fourrure noire qui pousse dans chaque recoin, la colonne vertébrale qui se déroule et s'étire en cette touffe dégarnie, marquée par de trop vieux coups de dents. Elle ressemblerait presque plus à une queue de lion qu'à une queue de loup. Tu ouvres les yeux, vois tout en mieux. Et maintenant, c'est la Faim qui grandit. Tes pattes se jetteraient sur la porte et te feraient filer en direction des dortoirs sans la tisane de tout à l'heure. Ton odorat te rapporte d'ailleurs des effluves de proies potentielles qui ont foulé le sol en terre battue du vieux moulin ces derniers jours. Comme il serait facile de les suivre à la trace jusque dans leur lit. Quel supplice. Tu arques la tête en arrière pour hurler ta douleur à la Lune, ton bourreau.
Voyant que tu as fini de trembler, Azad se pose sur ton échine balafrée. Ses serres et ses plumes sont un contact rassurant bien qu'elles manquent ironiquement de chaleur. ▬ C'était rapide cette fois-ci. Tu acquiesces mentalement. ▬ Tu n'auras peut-être pas trop de courbatures demain. Tu émets un grognement sombre en grattant le sol nerveusement de la patte avant. L'énergie qui coule dans tes muscles doit être dépensée. C'est plus fort que toi, tu dois courir. Alors tu tournes en rond, sautant à moitié sur les murs et les poutres qui soutiennent le toit. Tu te déchaînes en griffant la terre tassée, en mordant le bois qui commence a pourrir. Et quand tu marques une pause, tu tournes, comme un lion en cage.
La voix rauque et cassante d'Azad perce le silence assourdissant de la nuit et arrête nette ta course. ▬ Quelqu'un approche. Tu cours te coller dans le fond d'un recoin, et au diable les toiles d'araignée qui se collent sur tes oreilles et ton museau humide. Ton familier se poste sans attendre entre toi et la porte, écartant les ailes d'un air menaçant, quelques flammes blanches frémissant aux commissures de son bec. ▬ Qui va là ? Vous feriez mieux de passer votre chemin, toi et ton sorcier, si vous voulez garder la vie sauve. Il y a donc deux individus dehors. Un sorcier insomniaque et son fidèle familier. Pourvu qu'ils s'enfuient.
Ce sont tes lèvres qui brisent le silence en même temps que tu reposes la tasse en argile sur la table de chevet. ▬ Merci encore une fois Hélia, tu prépares cette tisane mieux que tout le monde. Grâce à toi, les élèves peuvent dormir tranquille. Un sourire maladroit étire tes lèvres. Tu te redresses en regardant par la fenêtre, le soleil se couche. Une main se pose délicatement sur l'épaule de Luka, qui sursaute presque. ▬ Je te laisse endurer ça seul ce soir. Tu es fort, tu y arriveras. On se revoit ici demain matin.
Tu déglutis difficilement en fermant la porte du vieux moulin derrière toi. Tu es enfermé. Comme une bête sauvage, un danger pour les autres. Debout au centre de l'unique pièce, la main sur la poitrine, tu calmes ton cœur en panique par de profondes inspirations et de longues expirations. Il se calme. Tu te calme. Le soleil s'endort. Comme à ton habitude, tu prends le soin de te déshabiller et de plier tes vêtements dans un coin. Tu t'allonges sur le sol froid. Les yeux en suspens dans le ciel, en attente de la Lune, ta compagne.
Au bout d'un temps, ses premières lueurs pointent. Ton corps se met à trembler. ▬ Ça commence. Dis-tu à Azad, qui s'envole loin de toi.
Tu sens les muscles qui se déplacent, les os qui s'allongent et le cartilage qui se déforme. Ça tire, ça brûle, ça pique, ça se brise et se reconstruit en toi. La mâchoire qui se disloque et se transforme en gueule sanguinaire. Les griffes qui percent le bout des doigts et tu tombes à genoux en gémissant. Et puis c'est comme des fourmis, une démangeaison sur tout le corps. La fourrure noire qui pousse dans chaque recoin, la colonne vertébrale qui se déroule et s'étire en cette touffe dégarnie, marquée par de trop vieux coups de dents. Elle ressemblerait presque plus à une queue de lion qu'à une queue de loup. Tu ouvres les yeux, vois tout en mieux. Et maintenant, c'est la Faim qui grandit. Tes pattes se jetteraient sur la porte et te feraient filer en direction des dortoirs sans la tisane de tout à l'heure. Ton odorat te rapporte d'ailleurs des effluves de proies potentielles qui ont foulé le sol en terre battue du vieux moulin ces derniers jours. Comme il serait facile de les suivre à la trace jusque dans leur lit. Quel supplice. Tu arques la tête en arrière pour hurler ta douleur à la Lune, ton bourreau.
Voyant que tu as fini de trembler, Azad se pose sur ton échine balafrée. Ses serres et ses plumes sont un contact rassurant bien qu'elles manquent ironiquement de chaleur. ▬ C'était rapide cette fois-ci. Tu acquiesces mentalement. ▬ Tu n'auras peut-être pas trop de courbatures demain. Tu émets un grognement sombre en grattant le sol nerveusement de la patte avant. L'énergie qui coule dans tes muscles doit être dépensée. C'est plus fort que toi, tu dois courir. Alors tu tournes en rond, sautant à moitié sur les murs et les poutres qui soutiennent le toit. Tu te déchaînes en griffant la terre tassée, en mordant le bois qui commence a pourrir. Et quand tu marques une pause, tu tournes, comme un lion en cage.
La voix rauque et cassante d'Azad perce le silence assourdissant de la nuit et arrête nette ta course. ▬ Quelqu'un approche. Tu cours te coller dans le fond d'un recoin, et au diable les toiles d'araignée qui se collent sur tes oreilles et ton museau humide. Ton familier se poste sans attendre entre toi et la porte, écartant les ailes d'un air menaçant, quelques flammes blanches frémissant aux commissures de son bec. ▬ Qui va là ? Vous feriez mieux de passer votre chemin, toi et ton sorcier, si vous voulez garder la vie sauve. Il y a donc deux individus dehors. Un sorcier insomniaque et son fidèle familier. Pourvu qu'ils s'enfuient.