Aucune nuit n’est identique. Pas dans ce monde où tout peut prendre un sens. Pas pour lui qui sait mieux que quiconque qu’un rêve n’est pas qu’un hasard. Les nuits sont toutes identiques pour bien des âmes, fermer les yeux, trouver le sommeil et espérer ne pas revoir cette image, le souvenir une plaie encore béante contre son cœur.
Un gosse oublié dans ce monde effrayant. Continuer de vivre, parce que c’était ça qu’elle lui avait appris. Voir dans les étoiles tout ce qu’il y a de plus beau. Parler de la divination comme on parle de la chance. Le malheur ça n’existe pas. Le mauvais œil n’est qu’un mirage. Un souvenir qui le hante toutes les nuits où le sommeil ne vient pas. Quelque chose qu’on lui soufflait, aux abords de Chicago, là-bas, à Bâton Rouge, ce que les mages des autres mondes appellent un mauvais sort, une babiole, une superstition.
L’alcool est un remède abstrait, celui-là même qu’il a trouvé pour effacer les écorchures qui naissent seules contre sa peau. Là où ses poignets se noircissent d’ecchymoses inexpliquées et inexplicables. Là où parfois, à la nuit tombée, il se retrouve à l’autre bout du monde, ou simplement à l’endroit où tout a commencé. Il a le cœur au bord des lèvres et se souvient que tout ça n’est qu’une illusion. Que le monde ne peut pas l’étouffer. Que si la Terre entière devait se retourner contre lui, il resterait encore quelqu’un pour le protéger.
Les verres se succèdent, la nuit est infinie, et dans les étoiles paresseuses, il voudrait s’abandonner à l’inconnu. Il ne fera que se pendre aux lèvres d’une étrangère, mage et subreptice. Volage et éphémère. Il n’échangera rien avec elle, rien de plus qu’un faux nom, une fausse raison, de faux compliments, et l’amour, comme elle l’appelle, est dénué de toute passion.
Éblouir ses plus beaux mensonges contre la surface de l’univers. Regarder les étoiles encore et encore, et oublier que l’aube n’est pas censée se voir avant que les yeux ne se soient éteints. Il voudrait se dire que tout ça n’est que temporaire. Qu’il finira pas l’oublier. Elle. Lui aussi, peut-être, s’il décide que Rowan est de trop.
Sa nuit n’a porté aucun conseil, elle n’a été que vice et péché. Les traces laissées contre sa gorge sont à peine cachées du col de sa chemise. Les étoiles se sont voilées, comme il cache si bien sa vérité. C’est si facile de jouer à prétendre. C’est si simple de n’être personne, et tout à la fois. Reven l’observe et semble le juger. Rowan lui décoche un sourire. Ils ont changé, tous les deux.
Comme s’il pouvait l’entendre, Reven détourne la gueule, le museau bas. Il sait, il sent, il voit.
Rowan arrive bien trop tôt à l’école. L’aube est douce, une couleur rosée, comme la chevelure de certaines élèves, quelque chose de léger et délicat. Il y trouverait du charme, si elles n’étaient pas elle aussi un mensonge, ces belles teintes d’Aphrodite. Ses mystères inexplicables.
L’école est encore vide, mais il offre un léger signe de tête au concierge, âme égarée, avant de poursuivre sa route, gravissant les marches de l’escalier sans un bruit. La sacoche contre son épaule porte les ouvrages des cours à dispenser cette semaine, les notes de leurs recherches, les secrets d’un monde caché et sombre. Un sourire gracie ses lèvres, il pense à lui, caresse la paume de sa main avant d’entrer dans la salle de classe déserte. L’air y est lourd, et toutes les fenêtres sont ouvertes d’un sort rapide, laissant s’infiltrer la fraîcheur de l’automne. Le pull qu’il porte ne le protégera pas longtemps de la température.
Ses affaires posées au coin du bureau, il se laisse choir, épuisé, contre le fauteuil qu’Adam viendra bien assez vite récupérer. Le bureau est dénué de toute fioriture, pas même une feuille, pas un rapport, rien. Et lui se dit qu’il pourrait peut-être s’y allonger, là. Croiser ses bras et s’y assoupir. Des traits marqués par la fatigue, même quelques heures n’y changeront rien…
Alors rester silencieux, tirer ses documents, reprendre une lecture, encore une. Mais le jeu de tarot glissé contre le recoin de la toile attire son regard. Ne pas rêver, oui, mais toujours savoir y lire de grandes histoires.
La symbolique se dessine à mesure qu’il tire les cartes. Le pendu, la roue de la fortune, la tour en ruine, et contre sa paume meurtrie, le signe de l’infini.
Pourquoi t’es plus là maman ? Pourquoi t’es partie ? C’est parce que tu ne m’aimais pas ?
Un gosse oublié dans ce monde effrayant. Continuer de vivre, parce que c’était ça qu’elle lui avait appris. Voir dans les étoiles tout ce qu’il y a de plus beau. Parler de la divination comme on parle de la chance. Le malheur ça n’existe pas. Le mauvais œil n’est qu’un mirage. Un souvenir qui le hante toutes les nuits où le sommeil ne vient pas. Quelque chose qu’on lui soufflait, aux abords de Chicago, là-bas, à Bâton Rouge, ce que les mages des autres mondes appellent un mauvais sort, une babiole, une superstition.
Alors pourquoi elle en est morte, hein, si c’était qu’une broutille ? C’est censé protéger la magie, non ? Pas tuer !
L’alcool est un remède abstrait, celui-là même qu’il a trouvé pour effacer les écorchures qui naissent seules contre sa peau. Là où ses poignets se noircissent d’ecchymoses inexpliquées et inexplicables. Là où parfois, à la nuit tombée, il se retrouve à l’autre bout du monde, ou simplement à l’endroit où tout a commencé. Il a le cœur au bord des lèvres et se souvient que tout ça n’est qu’une illusion. Que le monde ne peut pas l’étouffer. Que si la Terre entière devait se retourner contre lui, il resterait encore quelqu’un pour le protéger.
Les verres se succèdent, la nuit est infinie, et dans les étoiles paresseuses, il voudrait s’abandonner à l’inconnu. Il ne fera que se pendre aux lèvres d’une étrangère, mage et subreptice. Volage et éphémère. Il n’échangera rien avec elle, rien de plus qu’un faux nom, une fausse raison, de faux compliments, et l’amour, comme elle l’appelle, est dénué de toute passion.
Elle a des yeux océan. Comme lui.
Éblouir ses plus beaux mensonges contre la surface de l’univers. Regarder les étoiles encore et encore, et oublier que l’aube n’est pas censée se voir avant que les yeux ne se soient éteints. Il voudrait se dire que tout ça n’est que temporaire. Qu’il finira pas l’oublier. Elle. Lui aussi, peut-être, s’il décide que Rowan est de trop.
Il a refait sa vie. Trois mois n’y feront rien. Il y a quelque chose de différent.
Sa nuit n’a porté aucun conseil, elle n’a été que vice et péché. Les traces laissées contre sa gorge sont à peine cachées du col de sa chemise. Les étoiles se sont voilées, comme il cache si bien sa vérité. C’est si facile de jouer à prétendre. C’est si simple de n’être personne, et tout à la fois. Reven l’observe et semble le juger. Rowan lui décoche un sourire. Ils ont changé, tous les deux.
On n’est plus si différents que ça, toi et moi, pas vrai ?
Comme s’il pouvait l’entendre, Reven détourne la gueule, le museau bas. Il sait, il sent, il voit.
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Rowan arrive bien trop tôt à l’école. L’aube est douce, une couleur rosée, comme la chevelure de certaines élèves, quelque chose de léger et délicat. Il y trouverait du charme, si elles n’étaient pas elle aussi un mensonge, ces belles teintes d’Aphrodite. Ses mystères inexplicables.
L’école est encore vide, mais il offre un léger signe de tête au concierge, âme égarée, avant de poursuivre sa route, gravissant les marches de l’escalier sans un bruit. La sacoche contre son épaule porte les ouvrages des cours à dispenser cette semaine, les notes de leurs recherches, les secrets d’un monde caché et sombre. Un sourire gracie ses lèvres, il pense à lui, caresse la paume de sa main avant d’entrer dans la salle de classe déserte. L’air y est lourd, et toutes les fenêtres sont ouvertes d’un sort rapide, laissant s’infiltrer la fraîcheur de l’automne. Le pull qu’il porte ne le protégera pas longtemps de la température.
Depuis quand es-tu frileux ?
Ses affaires posées au coin du bureau, il se laisse choir, épuisé, contre le fauteuil qu’Adam viendra bien assez vite récupérer. Le bureau est dénué de toute fioriture, pas même une feuille, pas un rapport, rien. Et lui se dit qu’il pourrait peut-être s’y allonger, là. Croiser ses bras et s’y assoupir. Des traits marqués par la fatigue, même quelques heures n’y changeront rien…
Mais t’as pas rêvé cette nuit. Pourquoi tu veux te faire ça ? C’est plus simple si tu ne rêves pas.
Alors rester silencieux, tirer ses documents, reprendre une lecture, encore une. Mais le jeu de tarot glissé contre le recoin de la toile attire son regard. Ne pas rêver, oui, mais toujours savoir y lire de grandes histoires.
La symbolique se dessine à mesure qu’il tire les cartes. Le pendu, la roue de la fortune, la tour en ruine, et contre sa paume meurtrie, le signe de l’infini.